La Femme dans le Développement et la PaixAhmed Bajoaim

 

La violence contre les femmes au Yémen est depuis un certain temps l’un des plus grands défis des femmes. Cependant, après le déclenchement du conflit armé il y a neuf ans, la violence a progressivement commencé à augmenter, les femmes sont quotidiennement exposées à diverses formes de violence physique, psychologique, sexuelle et autre. Un rapport de l’agence de presse officielle turque Anatolie de 2018 a confirmé que la violence sexiste au Yémen a augmenté d’une manière sans précédent après le déclenchement du conflit. Le nombre de femmes exposées au risque de violence atteignait environ trois millions de femmes fin 2017, soit 36​​% du nombre de femmes au Yémen.

Ce nombre croissant et terrifiant met les efforts des autorités officielles du pays dans une position difficile, en raison de l’exacerbation du problème et du déclin de son importance dans la société, à cause des effets du conflit, qui ont réduit les solutions possibles contribuant à réduire ou éliminer la violence contre les femmes. Cependant, des efforts sont faits par diverses organisations féministes et de défense des droits humains ainsi que par le secteur de la sécurité pour apporter soutien et assistance aux femmes touchées par la violence, promouvoir leurs droits et instaurer la justice sociale.

 

Le rôle des autorités officiels

L’adjudante Mona Gharamah, directrice du département de protection de la famille et des mineurs et de la police féminine de la direction de sécurité de la Côte de Hadramaout, a expliqué que la police féminine joue un rôle important dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Elle contribue à fournir le soutien nécessaire aux femmes qui sont exposées à la violence, aux agressions sexuelles, au harcèlement et à d’autres formes de violence. La police féminine pour la protection des femmes et des enfants fournit également les services de sécurité nécessaires, notamment en enquêtant sur les crimes commis à leur encontre et en fournissant assistance aux victimes.

Gharamah a souligné l’importance de la police féminine dans la réduction de l’incidence des crimes violents commis contre les femmes, en soumettant des dossiers et des questions aux autorités compétentes des tribunaux et des ministres publics, et en travaillant à renforcer la sensibilisation et l’éducation sur les droits des femmes et les questions liées à la violence contre elles. La police féminine travaille également, en coopération avec des organisations non gouvernementales et d’autres institutions, pour soutenir et aider les femmes maltraitées, et pour les protéger et réadapter. En outre, le département de la famille et de la protection des mineurs s’efforce de lutter contre la violence faites aux femmes et de limiter sa propagation dans la société.

Hiyam Al-Qarmoushi, présidente du Comité national pour les femmes du gouvernorat de Shabwa, a dit : « Le comité national, que ce soit à Shabwa ou dans les gouvernorats yéménites, se préoccupe avant tout de défendre les droits des femmes, en veillant à la mise en œuvre des politiques, législations, décisions ou plans exécutifs qui sont dans l’intérêt des femmes dans toutes les institutions de l’État. Les mesures visant à protéger les femmes contre la discrimination ou toutes les formes de violence comptent parmi les plans et programmes les plus importants. La violence n’est pas étrangère à nos sociétés, mais elle n’est pas un phénomène répandu. Au contraire, sa diversité est un sujet de préoccupation et est susceptible de s’accroître, et si les efforts des différents secteurs publics et privés sont combinés, elle peut disparaître ».

Elle a ajouté : « Le rôle adopté par le comité dans le gouvernorat est de participer à la sensibilisation et à la prévention de la violence, en coordination avec toutes les institutions de sécurité et de service de l’État, et en élaborant des propositions et des plans qui contribuent à éliminer les formes de violence contre les femmes et les filles, y compris le mariage des mineures. Le comité emprunte également plusieurs voies pour élever le niveau de sensibilisation de la communauté en mettant en œuvre des activités et des programmes de sensibilisation, pour réduire la violence sociale et familiale, mettre en œuvre des mesures liées à la protection juridique et soutenir l’autonomisation des femmes, et également travailler à mener des études et des recherches liées aux problèmes de violence pour comprendre ses causes et ses effets et analyser les données ».

Al-Qarmoushi a précisé que parmi les mesures prises : élaboration de programmes et de politiques visant à réduire la violence à l’égard des femmes, engagement avec les parties prenantes et les secteurs responsables, mise en œuvre de programmes de formation en partenariat avec des organisations internationales, des secteurs public et privé sur la façon de traiter les cas de violence contre les femmes, et sensibilisation de la société aux risques et aux effets négatifs de la violence, tant au niveau individuel que sociétal.

Pour sa part, Najat Al-Habashi, présidente de la branche du comité national pour les femmes de la vallée et du désert de Hadramaout, a expliqué que le comité dans tous les gouvernorats travaille par tous les moyens pour protéger les femmes en mettant en œuvre la législation et les lois relatives aux droits des femmes pour éliminer la violence, et contribue à améliorer les moyens d’autonomisation des femmes ; pour combattre la violence et éliminer la discrimination contre les femmes, et œuvrer à la diffusion de campagnes de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes et la violence, comme la participation à la campagne (16) Jours, qui est l’une des activités contre la violence faite aux femmes, ainsi que la défense des victimes des violences basées sur le genre dans les tribunaux et les ministres publics.

 

Des statistiques et chiffres

Dans un rapport cité par l’agence Anatolie, intitulé : « Malnutrition, mariage précoce et violence : les femmes yéménites paient le prix du conflit », en mars 2018, il a été démontré que depuis le déclenchement du conflit armé jusqu’au début de 2018, environ 11 000 cas de viols et autres cas de violence ont été enregistrés qui n’ont pas été divulgués dans les rapports contre les femmes et les filles. En plus, le taux élevé de mariages de mineures au cours des trois premières années du conflit, ce qui est l’une des formes de violence commis contre les filles au Yémen, puisque le phénomène touche environ 66% des moins de 18 ans.

Parallèlement, une étude de l’ONU a montré, selon l’agence turque, que le phénomène du mariage précoce des filles a atteint des niveaux dangereux. 72,5% des filles – sur le nombre total de femmes incluses dans l’étude – ont été mariées avant d’atteindre l’âge légal, soit l’âge internationalement reconnu de 18 ans. Parmi elles, 44,5% se sont mariés à l’âge de 15 ans. Ce phénomène est concentré dans trois gouvernorats : Al-Hodeïda, Hajjah et Ibb. Ces gouvernorats sont les gouvernorats qui accueillent le plus de personnes déplacées. Selon le rapport, cette forme de violence contre les femmes et les filles est pour ainsi dire plus grave.

 

Les défis

Mona Gharamah a énuméré les défis et les difficultés des autorités de sécurité pour défendre les femmes contre les violences commises à leur encontre. Les défis sont les suivants : Le manque de protection totale des droits des femmes en tant que droits humains, le manque d’application des lois et des politiques qui luttent contre la violence faite aux femmes, le manque de données comparatives sur les différentes formes de violence basée sur le genre et la police féminine souffre du manque de budget financier ou de personnel, de femmes spécialisées et formées et d’installations spéciales d’hébergement et de traitement psychologique pour les femmes maltraitées.

Gharamah a souligné l’importance d’accélérer l’activation du centre juvénile, qui contribue à améliorer la psychologie des victimes de violence. C’est un autre défi qui fait obstacle aux efforts de la police féminine, en plus de la rareté des possibilités. Cela nécessite également la présence d’un centre général unifié pour recevoir les cas de femmes et d’enfants maltraités, d’autant plus que les institutions gouvernementales ne sont pas tenues de répondre à ces exigences, même le secteur privé et les organisations s’occupant des femmes et des enfants.

Pour sa part, Hiyam Al-Qarmoushi a souligné que le manque de ressources et de possibilités disponibles joue un grand rôle dans l’entrave aux tâches et le déclin du rôle du comité national, devenu insignifiant selon ce qui est disponible et la faible sensibilisation des autorités officielles et privés au rôle du comité national pour les femmes, ce qui a affecté les processus de coordination et de participation effective, ainsi que les programmes, les plans et leur succès de la manière correcte et souhaitée. La faiblesse des politiques au niveau de l’État lui-même, en raison de la situation actuelle du Yémen en général, s’est reflétée dans le rôle du comité national et a réduit ses tâches sur le terrain.

Elle a ajouté : « La conscience sociétale limitée des concepts de genre, de culture de citoyenneté, d’égalité et de droits de l’homme, tout cela a affecté la société. Cela est dû à la culture sociale acquise, ce qui représente un défi ayant eu un effet inverse sur le rôle attendu, que ce soit pour le comité national des femmes ou toute autre partie concernée ou soutenant les droits des femmes. De plus, la conscience limitée a affaibli de différentes manières les efforts déployés et leur efficacité dans la réalisation des résultats souhaités, et s’est parfois trouvée impuissante face à de nombreux cas de violence faite aux femmes ».

Dans le même sens, Al-Habashi a dit : « Les défis les plus importants des autorités officielles dans la défense des femmes contre la violence résident dans la faiblesse de la défense des femmes maltraitées, la discrimination entre les deux sexes, l’absence de moyens de prise en charge familiale et les normes inégales entre les groupes de la société, y compris la discrimination de classe et ethnique, ce qui est difficile pour les autorités officielles  – dont le comité national pour les femmes – d’éliminer à court terme cette discrimination, ainsi que l’inégalité entre les deux sexes et la violence sous-jacente. Cela souligne la nécessité d’un soutien adéquat et de la mise en œuvre de grands programmes et plans soutenus par des résolutions et des lois plus strictes pour les traiter ».

 

Les propositions

Parler des propositions visant à élever le niveau du rôle officiel dans la lutte contre la violence faite aux femmes, pour pouvoir jouer le rôle souhaité, Mona Gharamah souligne l’importance de fournir le soutien nécessaire aux autorités officielles, y compris la police et la sécurité, dans le cadre de l’apport de solutions aux problèmes liés aux femmes yéménites, en améliorant la connexion conjointe entre tous les acteurs publics et les secteurs privés concernés par les droits des femmes et contribuant à l’existence de centres de soutien psychologique gratuits pour les femmes touchées par les violences perpétrées. Ces centres devraient également être sous la direction de la police féminine pour pouvoir jouer leur rôle intégral.

Al-Qarmoushi a également souligné l’importance d’allouer un budget de l’État ou des donateurs aux comités nationaux pour les femmes dans tous les gouvernorats, pour être en mesure de mettre en œuvre efficacement des programmes et des activités et de former des comités conjoints entre le comité national pour les femmes et les autres parties concernées. En plus, mettre en œuvre des partenariats entre le comité national et les organisations de soutien, et des programmes de formation pour les travailleurs de divers secteurs publics et privés secteurs dans les domaines des droits des femmes, tels que la législation et les lois en faveur des femmes et les effets positifs sur la société.

Dans le même contexte, Najat Al-Habashi a évoqué plusieurs recommandations dont les plus importantes sont : Soutenir les acteurs dans l’intégration de l’égalité de deux sexes et des droits des femmes, éliminer les formes de discrimination, construire des institutions concernées par les gouvernorats, adopter des politiques publiques, des plans et des budgets prenant en compte l’égalité de deux sexes, de la participation des femmes à la prise de décision et en mettant l’accent sur la sensibilisation à la famille, en particulier pour celles qui sont sur le point de se marier, en créant des centres spécialisés pour l’orientation familiale et en renforçant la conscience religieuse. Ainsi qu’inculquer une culture de dialogue familial entre tous segments de la société et activer le rôle des comités sociétaux pour aider à résoudre les conflits familiaux.

À la lumière de la situation actuelle au Yémen, en raison du conflit qui dure depuis 2015, le rôle officiel doit s’efforcer de combler le grand vide, pour mettre en œuvre la loi et les commissions du contrôle et travailler à atténuer la gravité de la violence basée sur le genre. Cela nécessite également que les organisations internationales concernées par les droits des femmes soutiennent les autorités officielles du Yémen, pour parvenir à la justice sociétale et éliminer la discrimination fondée sur le sexe.

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