Yasmine Abdulhafeez – La Femme dans le Développement et la Paix

 

Le problème du déplacement interne en Yémen est l’un des plus grands défis du secteur gouvernemental du pays. En effet, le conflit armé persistant dans certaines régions yéménites a contraint de nombreux employés, hommes et femmes, à quitter leurs maisons et leurs emplois, à la recherche d’un refuge sûr leur permettant de vivre. Cela a eu un impact négatif sur les institutions gouvernementales qui ont perdu une grande partie de leurs effectifs, entraînant un déclin notable de leurs performances et de la qualité des services fournis. Cela a également affecté l’équilibre social et économique de la société.

Nabilah Abdallah, l’une des employées d’un centre médical du secteur privé à Al-Hodeïda, explique que dans le cadre de son travail, elle a constaté que de nombreuses employées recherchaient des emplois dans le secteur privé. La plupart d’entre elles sont des déplacées de régions qui ont connu des conflits persistants, ayant conduit de nombreux citoyens à quitter leurs maisons et leurs emplois. En outre, les répercussions du conflit ont entraîné l’interruption des salaires dans certaines régions.

Dans ce cadre, Nabilah a décidé de rendre visite à son amie Mariam Osman (pseudonyme), qui travaillait dans une institution gouvernementale. Elle a été surprise de constater que Mariam s’était déplacée et avait quitté son emploi. Certains de ses collègues lui ont expliqué que Mariam avait quitté la ville et s’était installée dans un autre gouvernorat, après avoir attendu une amélioration de sa situation et la poursuite de son salaire, ce qui aurait pu l’encourager à rester et à endurer les conséquences du conflit et la forte chaleur qui domine la ville côtière d’Al- Hodeïda la plupart des mois de l’année, surtout avec les coupures d’électricité et l’impossibilité d’utiliser des appareils de remplacement.

Nabilah dit : « Mariam était l’une des meilleures cadres de son institution, tous ses collègues ont bénéficié de ses compétences, même ceux qui ont été mutés dans d’autres services. Lorsque nous avons appris qu’elle avait quitté l’institution pour laquelle elle travaillait, nous avons réalisé l’ampleur de la perte subie par cette institution gouvernementale, en raison du déplacement de nombreux de ses employés compétents, surtout les femmes ».

 

Elle ajoute : « De nombreuses employées du secteur gouvernemental au Yémen souffrent des affres du déplacement, après que l’arrêt de leurs salaires ou la fermeture de leurs services, suite aux dommages subis par de nombreux d’entre eux, les ont forcées à chercher de nouvelles sources de revenus dans des régions éloignées de leurs domiciles. Ces employées font également face à de grandes difficultés pour trouver des emplois correspondant à leurs spécialisations, ce qui les a obligées à travailler dans d’autres domaines, sans lien avec leurs expériences, afin d’assurer des moyens de subsistance décents pour elles-mêmes et leurs familles ».

 

La situation des employées dans le secteur de l’éducation

Avec l’aggravation du conflit au Yémen depuis plus de neuf ans, de nombreux gouvernorats yéménites ont connu de grands déplacements. Les rapports des NU indiquent que plus de 4 millions de personnes, principalement des femmes et des enfants, se sont déplacées vers différents gouvernorats considérés comme sûrs. Le déplacement des femmes employées a eu un impact important sur les institutions pour lesquelles elles travaillaient, affectant la capacité des institutions à fournir des services satisfaisants aux citoyens, et entraînant la perte de nombreuses compétences et expériences acquises par ces employées.

Le conflit a également touché de nombreux domaines importants du pays, notamment l’éducation, la santé, les affaires, l’agriculture, etc. Ces dégâts ont créé une double souffrance pour le citoyen yéménite.

Sallam Amin (pseudonyme), militant communautaire, déclare : « Le secteur de l’éducation est l’un des secteurs gouvernementaux les plus touchés par le déplacement des employées féminines au Yémen, en particulier par le déplacement de nombreuses enseignantes et membres du corps professoral de leurs zones de travail vers des zones sûres ».

Il ajoute : « Le déplacement des enseignantes yéménites hors des écoles constitue une catastrophe menaçant l’avenir d’une génération entière d’élèves. Le déplacement entraîne également un vide important dans les institutions éducatives, tant sur le plan administratif que sur le terrain, rendant très difficile de combler ces postes vacants, d’autant que les enseignantes déplacées jouissaient d’une très haute compétence et d’une vaste expérience dans le domaine de l’éducation ».

De son côté, Abeer (nom d’emprunt), une enseignante d’éducation islamique, ayant 44 ans originaire du gouvernorat de Taïz, déclare : « De nombreuses enseignantes des régions qui ont connu des combats armés ont quitté pour des zones plus sûres, et certaines d’entre elles ont préféré se déplacer vers les villages d’où elles sont originaires ».

Elle ajoute : « Après le déplacement des enseignantes dans de nombreuses villes, les écoles ont souffert d’un manque de personnel éducatif. Les directeurs de ces écoles n’ont eu d’autre choix que de chercher des alternatives et de recruter de jeunes filles pour travailler comme enseignantes, la plupart fraîchement diplômées et manquant d’expérience, ainsi que d’autres titulaires du baccalauréat seulement ».

Elle poursuit : « De nombreuses jeunes filles recrutées pour enseigner à la place des enseignantes déplacées ont vu le travail dans les écoles publiques, en échange de sommes d’argent versées par certaines organisations internationales, comme une opportunité plutôt que de rester sans emploi, surtout face à la rareté des emplois sur le marché du travail ».

Elle continue : « Certaines de ces jeunes filles n’ont pas l’expérience suffisante dans le domaine d’enseigner, ce qui a affecté le processus éducatif dans de nombreuses écoles dans différentes villes yéménites. C’est l’élève qui en est le seul perdant, car il ne bénéficie pas d’un enseignement de haute qualité ».

Elle estime également que la cessation des conflits, l’amélioration de l’infrastructure éducative qui a été endommagée par le conflit, et le travail pour le retour des enseignants dans leurs écoles, ainsi que le versement de leurs salaires et de tous leurs droits, constituent la solution optimale pour former une génération armée de savoir et capable de construire un meilleur avenir pour leur pays, tout en garantissant le maintien des enseignants dans leurs écoles.

 

Le secteur de la santé et des médias

Le déplacement des employées du secteur gouvernemental et les dommages causés aux institutions dans lesquelles elles travaillent ne s’arrêtent pas au secteur de l’éducation, mais s’étendent plutôt aux domaines où il est extrêmement important de continuer à fournir des services à la population, notamment celui de la santé.

Avec le début du conflit, de nombreuses femmes médecins ont quitté les hôpitaux publics et les établissements de santé dans les régions du conflit. Certaines ont déménagé dans d’autres gouvernorats, tandis que d’autres ont préféré quitter complètement le pays à la recherche de stabilité. Quelques-unes ont choisi de rester dans leurs établissements, malgré la dégradation de la situation, l’arrêt des salaires et le déclin des conditions de vie.

Le citoyen dans les régions touchées par le déplacement du personnel du secteur de la santé s’est retrouvé face à trois options : Soit aller dans les hôpitaux privés et assumer les coûts de traitement élevés, soit se rendre chez un médecin qui a dû, lui aussi, déménager et s’installer dans une autre région, subissant alors les difficultés et les frais du voyage, soit consulter des médecins non spécialisés qui ont exercé le métier d’infirmier et ouvert de petites cliniques privées, sans avoir l’expérience suffisante.

Selon Sallam Amin, le secteur de la santé est le deuxième après l’éducation en termes de dommages causés par le déplacement du personnel travaillant dans ce domaine. En effet, le secteur de la santé est l’un des secteurs vitaux les plus touchés de manière négative par le conflit, en raison de l’incapacité du secteur à fournir ses services de santé. Ce secteur au Yémen a fait face à une véritable catastrophe humanitaire avec le déplacement de nombreuses employées, qu’il s’agisse de médecins, d’infirmières, de pharmaciens ou de techniciens, qui ont quitté leurs lieux de travail et se sont déplacés vers d’autres régions, entraînant ainsi une grave pénurie de personnel de santé et l’incapacité de combler ces lacunes.

De même, le secteur des médias fait partie des domaines qui ont subi des dommages en raison du conflit et du déplacement forcé du personnel féminin dans différentes régions du pays, surtout en raison des menaces et des pressions subies qui les ont forcées à quitter leurs lieux de travail et à chercher la sécurité dans d’autres régions. Cela les a rendues incapables de couvrir toute activité médiatique et d’exercer leur métier de journaliste en toute liberté et impartialité, les obligeant à partir vers des régions offrant plus de sécurité et de liberté.

Selon Abeer Al-Khadaf, rédactrice en chef du site web Abeer Press, le conflit au Yémen a entraîné le déplacement des femmes travaillant dans le secteur gouvernemental en général, surtout en raison de la détérioration de la situation économique et sécuritaire du pays, ainsi que de l’interruption des salaires des employées des institutions gouvernementales. Cela a poussé la plupart des femmes à se déplacer vers d’autres régions à la recherche de moyens de subsistance.

Al-Khadaf estime également que la situation sécuritaire dans de nombreuses gouvernorats yéménites a conduit à restreindre la liberté de mouvement des femmes pour poursuivre leurs études, exercer leur profession, accéder aux soins de santé ou s’exprimer librement. Cela a contribué au déplacement de nombreuses employées du secteur gouvernemental vers d’autres villes, régions ou même d’autres pays, à la recherche de sécurité et de liberté.

Poursuivant sa parole avec le journal (La Femme dans le Développement et la Paix), elle dit : « Les femmes au Yémen sont les plus touchées par le conflit, qui, en 2015, a fortement entravé leurs déplacements, en particulier pour les employées du secteur gouvernemental. Elles sont devenues les principaux soutiens d’un tiers des familles yéménites déplacées de leurs foyers ».

Al-Khadaf a également souligné l’importance de s’attaquer à la situation des femmes déplacées au Yémen, en particulier les employées du secteur gouvernemental. Il faut payer leurs salaires, les inclure dans l’assurance maladie, mettre en place un système d’avancement basé sur les compétences et l’expérience, et de leur garantir un environnement sûr.

 

La situation générale des femmes déplacées au Yémen

Selon Ali Al-Shamiri, directeur d’une unité d’exécution pour les déplacés à Taïz : « Les femmes déplacées vivant dans les camps de déplacés connaissent dans l’ensemble des conditions de vie difficiles, manquant du strict nécessaire. Les interventions sont insuffisantes pour répondre à leurs besoins en matière de soins de santé, de logement ou d’alimentation. Des ateliers et des formations visant à améliorer leurs moyens de subsistance sont rarement mis en œuvre afin de leur fournir des expériences et des compétences grâce auquel elles peuvent trouver des opportunités d’emploi. Seul un nombre limité de ces femmes déplacées bénéficient de ces rares projets de formation ».

Al-Shamiri poursuit : « De manière générale, les femmes déplacées ont besoin d’un soutien financier et d’un accompagnement. Il n’y a pas suffisamment d’opportunités d’emploi pour de nombreuses personnes au sein des communautés d’accueil, ce qui rend difficile l’intégration des femmes déplacées dans les institutions gouvernementales de ces communautés ».

De son côté, Mohammed Radman Ghanem, coordinateur général des déplacés dans les camps de la direction d’Al-Maafer à Taïz, déclare : « En ce qui concerne le rôle joué par les autorités gouvernementales pour les femmes en général au sein des communautés d’accueil, elles ont, en collaboration avec certains partenaires humanitaires, réussi à intégrer quelques diplômées dans le domaine de l’enseignement ».

Ghanem ajoute : « En coordination avec les partenaires, certaines femmes ont été ciblées dans divers domaines tels que la sensibilisation sanitaire, l’organisation d’ateliers, ainsi que la formation et la qualification dans des métiers comme la couture, la broderie et d’autres professions ».

Il souligne la nécessité pour les autorités gouvernementales ou les organisations humanitaires d’élargir le champ des bénéficiaires dans divers domaines humanitaires, notamment l’enseignement, la sensibilisation sanitaire, la qualification et la formation en couture, broderie, artisanat, fabrication d’encens et de confiseries, afin d’aider les femmes à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

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