Par Yomna Ahmed

 

Le Yémen vit aujourd’hui l’une des pires crises humanitaires au monde. En plus du conflit et de la crise économique, le pays souffre d’un grave manque de services de base et de la destruction des infrastructures, entraînant le déplacement de millions de Yéménites et l’aggravation de la malnutrition. Tout cela a contribué à diminuer l’importance de nombreux aspects de la vie quotidienne. Naturellement, le sport est l’un de ces aspects dont l’importance n’a pas seulement diminué ; il est devenu un luxe et un privilège difficile à envisager.

Tout ce qui a été mentionné rend la pratique du sport extrêmement difficile pour tout le monde, mais les femmes au Yémen font face à des défis supplémentaires qui entravent leur participation sportive. Ces défis vont au-delà des difficultés rencontrées par la société dans son ensemble et incluent les coutumes et traditions communautaires, le manque d’installations sportives adaptées aux femmes, le faible niveau de sensibilisation à l’importance du sport pour elles, l’absence de programmes sportifs, et bien d’autres problèmes qui constituent un obstacle à l’autonomisation des femmes pour pratiquer n’importe quel type de sport, qu’il s’agisse de sports individuels simples ou de sports professionnels nécessitant le développement des compétences des athlètes yéménites pour garantir leur accès à un niveau professionnel.

Malgré ces défis, l’augmentation de la présence des femmes dans le sport est cruciale, car elle contribue de manière significative à améliorer la santé mentale et physique des femmes, tout en leur permettant de participer activement à la société. De plus, la participation des femmes au sport au Yémen contribuera à construire une communauté forte qui favorise la cohésion sociale.

À la suite, l’Unité d’information et de sondage du YIC a mené une enquête sur la participation des femmes au sport au Yémen, afin de connaître les opinions d’un segment de la société yéménite sur l’importance de la participation des femmes dans le domaine sportif, les principaux défis qu’elles rencontrent, et les mesures à prendre pour accroître la participation des femmes au sport.

Le sondage a été réalisé auprès d’un échantillon de (133) participants provenant de différentes régions du Yémen, où les femmes représentaient la majorité des participants avec 73,7%, contre 26,3% pour les hommes. Les participants étaient répartis sur différentes tranches d’âge ; la tranche d’âge de 26 à 35 ans a constitué la plus grande proportion (43,6%), suivie de la tranche d’âge de 36 à 45 ans avec 27,1%. De plus, 14,3% des participants avaient entre 46 et 65 ans, et 8,3% appartenaient à la tranche d’âge de 18 à 25 ans, tandis que la participation des personnes âgées (65 ans et plus) était limitée à 6,7. %

En ce qui concerne l’éducation, les titulaires d’un diplôme de licence représentaient le groupe le plus représenté avec 31,6%, suivis par ceux ayant obtenu un baccalauréat avec 26,3%. 19,5% des participants étaient des étudiants universitaires, 12,8% avaient un diplôme de l’enseignement secondaire ou moins, et seulement 9,8% étaient titulaires de diplômes supérieurs.

Le sondage a couvert 18 gouvernorats yéménites, avec le gouvernorat de Sana’a représentant la plus grande proportion de participants avec 30,1%, suivi par le gouvernorat de Taïz avec 12,5%, puis Hadramaout avec 9,8%, Dhamar avec 7,5%, et Al-Hodeïda avec 6,8%. De plus, 6% des participants venaient du gouvernorat d’Ad Dali’, 4,5% d’Aden, 3,8% d’Al Jawf, 3% de Raima, 3% de Hajjah, 3% d’Ibb, 2,3 % de Socotra, 2,3% de Shabwa, 1,5% d’Amran, 1,5% de Lahij, et seulement 0,8% chacun des gouvernorats de Sa’dah, Abyan et Al Mahra.

 

 

Les résultats principaux

Au départ, les résultats du sondage ont montré une variation dans les opinions des participants concernant leur soutien à la participation des femmes yéménites aux activités sportives. En effet, 43,6% des participants ont fortement soutenu la participation des femmes à toutes les activités sportives, ce qui reflète une acceptation croissante de ce concept. Cependant, 28,6 % ont exprimé une réserve partielle, affirmant qu’il y a certains sports inappropriés pour les femmes yéménites. En revanche, 27,8% des participants ont rejeté l’idée de la participation des femmes à toute activité sportive.

Lorsque les participants ont été interrogés sur l’acceptation de la participation des femmes aux activités sportives par la société, 49,6% ont indiqué qu’il y avait encore un rejet communautaire, qu’ils attribuent – selon leur point de vue – aux croyances sociales et culturelles. En revanche, 40,6% ont mentionné une acceptation partielle de la part de la société, tandis que les 9,8% restants ont déclaré qu’il y avait une acceptation totale de la part de la société yéménite concernant la participation des femmes aux activités sportives.

En ce qui concerne l’évaluation par les sondés de la participation des femmes yéménites aux activités sportives, 46,6% des participants ont indiqué que la participation des femmes aux activités sportives au Yémen est importante, attribuant cela – selon leur avis – à une prise de conscience accrue de l’importance du sport pour les femmes et à l’émergence de modèles féminins réussis dans le domaine sportif. En revanche, 39,1% ont signalé que la participation sportive des femmes au Yémen est limitée, estimant que cela est dû à la persistance de certains obstacles qui restreignent le rôle des femmes à des domaines spécifiques. Les 14,3% restants considèrent que la participation des femmes aux activités sportives est moyenne.

Les résultats du sondage ont également révélé une divergence dans les opinions des participants concernant l’impact de l’augmentation de la participation des femmes yéménites au sport sur leur autonomisation dans la société. En effet, 44,4% des participants ont indiqué qu’ils ne savaient pas quel était l’impact de cette participation sur l’autonomisation des femmes, tandis que 37,6% ont pensé que l’augmentation de la participation contribuerait de manière significative à l’autonomisation des femmes yéménites dans la société. En revanche, 18% ont exprimé le contraire.

Il est certain que les femmes sportives au Yémen font face à de nombreux obstacles et défis qui entravent leur participation effective aux activités sportives, notamment :

 

  • Les coutumes et traditions communautaires : 51,9% des participants au sondage estiment que les coutumes et traditions communautaires au Yémen représentent l’un des plus grands obstacles à la participation des femmes aux activités sportives.
  • Le manque d’installations sportives appropriées : 45,9% des répondants pensent que ce manque limite les opportunités pour les femmes de pratiquer le sport de manière régulière et en toute sécurité.
  • Le manque de soutien financier : 45,1% des participants au sondage croient qu’une augmentation du soutien financier contribuerait au développement des infrastructures sportives, à la fourniture de l’équipement nécessaire, et au soutien des clubs et fédérations sportives féminines.
  • La persistance du conflit au Yémen : 44,4% affirment que la continuité du conflit au Yémen a considérablement contribué à la détérioration des infrastructures sportives et à la destruction des installations sportives, rendant la pratique du sport presque impossible pour de nombreuses femmes.
  • L’absence de programmes sportifs dédiés aux femmes : 38,3% des participants au sondage ont déclaré que l’absence de programmes sportifs pour les femmes pourrait entraîner un manque de compétences sportives chez celles-ci et limiter leurs chances de participer à des compétitions sportives.
  • Le faible niveau de sensibilisation à l’importance du sport pour les femmes : 36,8% ont indiqué qu’il y a un besoin de campagnes de sensibilisation larges pour promouvoir la culture de la pratique sportive parmi les femmes et mettre en lumière ses bienfaits.

Lorsqu’il s’agit du soutien apporté par le gouvernement et les organisations non gouvernementales aux femmes pour accroître leur participation au sport au Yémen, les résultats ont montré une grande disparité dans le niveau de ce soutien ; 54,1% des participants estiment qu’il n’y a pas de soutien, tandis que 22,6% pensent qu’il existe un soutien faible, et 12% un soutien moyen. Bien que 11,3% considèrent le soutien comme suffisant, les résultats indiquent dans l’ensemble un besoin urgent d’augmenter le soutien apporté pour autonomiser les femmes dans ce domaine.

Les participants au sondage estiment que le soutien aux athlètes yéménites peut être apporté de la manière suivante :

  • Fournir des installations sportives appropriées : 69,9% des participants estiment qu’il y a un besoin urgent de fournir des terrains et des salles de sport entièrement équipés et réservés aux femmes.
  • Organiser des programmes sportifs dédiés : 64,7% des participants pensent que l’absence de programmes sportifs spécifiques est l’un des principaux obstacles à la participation des femmes yéménites aux activités sportives, ce qui les pousse à s’éloigner de la pratique sportive en général.
  • Augmenter le soutien financier aux athlètes : 41,4% des répondants affirment qu’un soutien financier accru contribuera au développement du sport féminin au Yémen.
  • Changer la perception sociale à l’égard des femmes sportives : 40,6% des participants au sondage estiment qu’il est nécessaire de changer les concepts dominants concernant le rôle des femmes dans la société et de promouvoir l’acceptation sociale de la participation des femmes aux activités sportives.
  • Sensibiliser sur l’importance du sport pour les femmes : 38,3% des répondants estiment que, pour garantir une augmentation de la participation des femmes aux activités sportives, il est nécessaire de sensibiliser à l’importance du sport pour la santé physique et mentale des femmes et son rôle dans l’autonomisation.

En conclusion, les résultats de ce sondage ont révélé l’ampleur des défis auxquels la participation des femmes yéménites aux activités sportives est confrontée, étant fortement influencée par le conflit en cours et les conditions économiques difficiles que traverse le pays. Malgré cela, les participants au sondage estiment qu’il est essentiel de soutenir la participation des femmes au sport et de reconnaître l’importance du sport dans l’autonomisation des femmes au sein de la société. De plus, la création d’un environnement favorable à la participation des femmes au sport nécessite un effort concerté de la part de toutes les parties prenantes, y compris le gouvernement, les organisations internationales, le secteur privé, la société civile et les familles.

 

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