Yasmine Abdulhafeez – La Femme dans le Développement et la Paix
Les conditions de vie difficiles et les conflits persistants au Yémen ont poussé de nombreuses familles yéménites à émigrer de manière forcée à la recherche d’un refuge sûr et d’une vie meilleure. Des pays comme l’Europe, les États-Unis, les pays du Golfe, l’Égypte et la Jordanie ont accueilli un grand nombre de migrants yéménites qui ont réussi à s’intégrer dans leurs nouvelles sociétés.
L’émigration yéménite à l’étranger a connu une augmentation notable ces dernières années, motivée par la crise humanitaire persistante dans le pays. Des estimations non officielles indiquent qu’il y a environ un million de yéménites en Égypte, entre résidents et réfugiés, et trois millions en Arabie Saoudite, entre travailleurs, résidents et réfugiés. De plus, des milliers de yéménites ont fui vers le Canada pour échapper aux conflits et à la pauvreté, où vivent actuellement environ huit mille yéménites.
Les États-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne et l’Allemagne, sont devenus un refuge sûr pour de nombreux yéménites fuyant l’enfer du conflit et de la violence. Le désespoir pousse des milliers de yéménites à émigrer à la recherche d’une vie digne, loin du conflit qui dure dans le pays depuis 2015. De plus, la détérioration des conditions économiques et les violations répétées des droits humains à l’encontre des yéménites les incitent à chercher de meilleures opportunités d’emploi et une vie plus stable.
S’adapter à la culture du pays d’accueil
Les coutumes et traditions yéménites ont une influence significative sur la vie des femmes yéménites à l’étranger. Elles emportent avec elles un riche patrimoine culturel qui constitue une partie intégrante de leur identité. Cependant, elles se heurtent à une réalité différente qui entre en conflit avec les coutumes et traditions yéménites. Cette influence peut être à la fois positive et négative, variant en fonction des circonstances personnelles et sociales de chaque femme.
Parmi les effets positifs des coutumes et traditions yéménites sur la vie des femmes yéménites à l’étranger, on trouve le maintien de l’identité yéménite. En effet, ces coutumes et traditions aident à préserver l’identité nationale et à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté yéménite. Elles fournissent également un cadre social de soutien pour les femmes yéménites à l’étranger, leur permettant de communiquer avec des femmes partageant les mêmes cultures et valeurs. De plus, les femmes yéménites contribuent à transmettre ces coutumes et traditions à leurs enfants, ce qui aide à préserver le patrimoine yéménite dans le pays d’accueil et à établir des relations positives avec les communautés hôtes, grâce à l’échange de cultures et de traditions.
Quant aux effets négatifs des coutumes et traditions yéménites sur la vie des femmes yéménites à l’étranger se manifestent par la difficulté d’adaptation. En effet, elles peuvent avoir du mal à s’adapter aux cultures différentes dans les pays d’accueil, surtout si ces cultures sont en contradiction avec leurs propres habitudes et traditions. Certaines d’entre elles peuvent ressentir un isolement social, surtout s’il n’existe pas une grande communauté yéménite dans la région où elles vivent.
Sahar Ahmed (nom d’emprunt) a vécu une réalité entre une identité ancrée et une réalité contradictoire en Tunisie. Sahar est une jeune yéménite qui a émigré pour étudier en Tunisie en 2018. Elle a subi un choc culturel en faisant face à des regards étranges en raison de son attachement à son habillement conservateur (le niqab et l’abaya).
Sahar a fait face à de nombreux défis liés à l’adaptation à la culture de son pays d’accueil, oscillant entre une identité profondément ancrée et les difficultés de la vie quotidienne. Après avoir insisté sur le maintien de son habillement traditionnel dans sa nouvelle communauté, elle a commencé à ressentir de la solitude et des regards étranges. Alors qu’elle portait le niqab au Yémen, elle a trouvé difficile de s’adapter aux regards de la société d’accueil. Pour trouver un équilibre entre la préservation de son identité culturelle et son adaptation à sa nouvelle communauté, elle a décidé d’abandonner le niqab, ce qui lui a permis de ressentir une plus grande acceptation de la part de la société.
La situation était différente pour Nabila Salem. Elle a abandonné le niqab et le hijab noir avant de partir pour les États-Unis, optant plutôt pour un hijab coloré. Cette décision, comme le souligne Nabila, a été prise dans le but de s’harmoniser avec la société américaine ouverte dans laquelle elle allait vivre.
Elle dit : « Plusieurs communautés possèdent une culture influente qui laisse une empreinte sur les résidents de leurs territoires, en particulier les femmes, surtout si elles y vivent pendant une longue période. On peut ainsi observer un changement dans leur accent si le pays est arabe, ou dans leur langue si elles se trouvent dans un pays étranger ».
Elle affirme que lorsqu’une femme yéménite est convaincue du hijab et s’y tient, elle le fera même si elle vit dans les pays les plus modernes et ouverts du monde. Cependant, certaines d’entre elles ont la conviction de s’adapter à l’identité des sociétés dans lesquelles elles vivent, et on peut voir ces femmes retirer rapidement leur hijab et adopter le même mode de vie que les femmes qui les entourent dans ces pays.
La situation familiale à l’étranger
Les histoires des yéménites à l’étranger sont variées et contrastées. Alors que certains ont trouvé un refuge sûr et se sont adaptés à de nouvelles cultures et coutumes, d’autres souffrent de conditions économiques difficiles qui les poussent au bord du désespoir. Ils se retrouvent confrontés à de nouveaux défis tels que le chômage et la pauvreté, et des récits de suicides et de travail dans des activités illégales émergent fréquemment, soulignant l’ampleur de la souffrance des yéménites à l’étranger. Cela appelle à la nécessité de concertation des efforts pour leur fournir l’aide nécessaire.
De nombreuses familles à l’étranger ont été contraintes de faire abandonner à leurs enfants l’éducation afin de chercher des opportunités de travail qui les aideraient à couvrir les besoins de la vie, tels que les loyers, les soins médicaux et d’autres dépenses.
Un autre problème auquel certains yéménites sont confrontés à l’étranger est le manque de compatibilité et d’harmonie avec la culture des sociétés d’accueil, notamment pour les résidents et les déplacés dans les pays étrangers. Ces cultures diffèrent de celle du Yémen en termes de coutumes, de traditions, de langue, de religion, et d’autres aspects.
La femme yéménite à l’étranger fait face à de nombreuses difficultés, qui se manifestent par la nécessité de concilier son identité authentique avec les exigences de la vie dans les nouvelles sociétés. Entre la préservation des coutumes et des traditions de ses ancêtres et l’adaptation à des cultures différentes, la femme yéménite vit un conflit identitaire, compliqué par la difficile situation économique.
Entre un riche patrimoine culturel et les exigences de la vie dans des sociétés plus ouvertes, la femme yéménite se retrouve face à des choix difficiles. Les dimensions sociales et économiques ont un impact significatif sur sa vie à l’étranger. Elle peut rencontrer des difficultés à obtenir des opportunités d’emploi adéquates et à s’adapter aux nouvelles coutumes et traditions. Tous ces facteurs contribuent à augmenter ses souffrances dans les pays d’accueil.
Il existe également des défis culturels, car de nombreuses familles yéménites transportent leur patrimoine, leur culture et les traditions de leurs ancêtres dans leur pays d’accueil, qui est souvent plus ouvert, surtout s’il s’agit de pays étrangers. Dans ce contexte, les femmes yéménites doivent choisir soit de modifier certains de leurs comportements, notamment en ce qui concerne la langue et les vêtements, pour s’adapter aux habitants de ces sociétés, soit de rester attachées à leur identité yéménite, tout en affrontant les éventuelles difficultés telles que la discrimination et le harcèlement.
En ce qui concerne les conditions économiques, la femme est souvent la première victime. Elle supporte les conséquences du niveau de vie difficile que subit sa famille à l’étranger. Elle s’efforce de trouver des opportunités qui contribuent à améliorer ses conditions de vie.
Les conditions sociales
En 2015, Soumaya Abdullah (nom d’emprunt) a voyagé vers un pays européen pour vivre avec son mari et leurs enfants. Son mari y travaille depuis peu. La famille a commencé à accepter l’idée de la différence culturelle caractéristique du pays d’accueil, qui est totalement différente de la culture, des coutumes et des traditions yéménites, notamment en ce qui concerne les vêtements, la langue et la religion. Cela a rendu l’adaptation de la famille à la vie là-bas difficile.
Le niqab a été imposé aux filles de cette famille uniquement lorsqu’elles devaient sortir de la maison par nécessité, leur interdisant de sortir pour se promener ou de s’asseoir dans des lieux publics. Cela a conduit à l’aggravation de problèmes familiaux profonds, allant jusqu’à la décision de la famille de retourner au Yémen, laissant le père seul dans l’expatriation. Cet événement met en lumière les défis auxquels sont confrontées les familles yéménites à l’étranger, en particulier les femmes, surtout en ce qui concerne les conflits culturels et les valeurs sociales.
Soumaya raconte : « La situation était très différente de celle du Yémen, surtout en ce qui concerne les coutumes et les traditions. Pourtant, mon père et ses frères insistaient pour que nous suivions les mêmes coutumes que celles que nous avions au Yémen. Nous nous sommes sentis mal à l’aise, car nous passaient la plupart des jours de la semaine à la maison, sans sortir pour nous promener ou aller au marché. De plus, nous étions obligés de porter des vêtements noirs et le niqab, ce qui nous a fait ressentir un certain inconfort, étant donné que nous étions dans une société ouverte ».
Elle poursuit : « Nous avons essayé de convaincre notre père qu’il fallait tenir compte de la réalité de ce pays, et qu’il ne fallait pas porter du noir. Cependant, nous avons échoué à le convaincre, et les problèmes ont commencé à surgir entre nous. Nous avons donc préféré rentrer pour éviter une séparation entre nos parents ».
La situation économique
La détérioration de la situation économique au Yémen a eu un impact considérable sur la vie des femmes yéménites à l’étranger, entraînant une série de défis et de souffrances. Parmi ces défis, on note l’augmentation des charges financières. Les yéménites migrantes doivent souvent soutenir leurs familles restées au pays ou leur envoyer de l’argent régulièrement. Cette pression financière intense affecte négativement leur santé mentale et physique, les obligeant à travailler de longues heures dans des emplois qui ne correspondent pas toujours à leurs qualifications.
La citoyenne Wafa Hael est retournée dans son pays en tant que divorcée, laissant cinq enfants avec leur père en Arabie Saoudite. Elle a déclaré : « Mon mari travaillait dans un magasin avec un salaire ne dépassant pas mille cinq cents riyals saoudiens. Comme ce montant ne couvrait pas tous nos besoins, tels que le logement, l’école pour les enfants, la nourriture, les vêtements, etc., j’ai essayé de le convaincre de revenir au pays et de lancer un projet ensemble dans une ville yéménite, mais il a refusé. J’ai ensuite proposé que je retourne avec les enfants et qu’il reste comme un expatrié, mais il a également refusé, et les problèmes ont commencé entre nous ».
Elle poursuit : « Nos conditions matérielles se sont détériorées, et nos enfants ont commencé à avoir faim. J’ai donc été contrainte de vendre mes bijoux inutiles, et j’ai essayé de le convaincre à nouveau, soit de revenir ensemble, soit qu’il reste seul, mais il a refusé. Lorsque la situation financière a empiré, cela a conduit à un divorce et à mon retour au pays ».
Wafa n’était pas la seule victime des conditions matérielles difficiles et des différences culturelles vécues par de nombreuses familles yéménites à l’étranger. Ces facteurs ont conduit à la dislocation de sa famille, laissant la femme se débattre à la recherche de sécurité pour ses enfants dans des pays d’expatriation, défiant toutes les circonstances économiques et culturelles.
L’impact des coutumes et traditions yéménites sur la vie des femmes yéménites à l’étranger est complexe et multifacette. Il nécessite un équilibre entre la préservation de l’identité culturelle et l’adaptation à la nouvelle société, afin d’atteindre l’intégration sociale et le succès personnel.