Yasmine Abdulhafeez – La Femme dans le Développement et la Paix

 

Les institutions officielles jouent un rôle vital dans toutes les sociétés pour faire face aux phénomènes et problèmes sociaux qui impactent négativement le développement et la stabilité de la communauté. Elles le font en sensibilisant et en éduquant sur diverses questions et phénomènes sociaux. En effet, elles constituent les principaux moyens par lesquels il est possible de réduire ou de combattre les comportements négatifs adoptés par certains individus ou groupes au sein de la société.

De nombreux pays s’appuient sur l’activation du rôle des institutions officielles pour sensibiliser et faire face aux phénomènes et problèmes qui menacent la stabilité de la société. Cela se fait à travers des campagnes de sensibilisation continues et des politiques efficaces visant à réduire les problèmes qui pourraient entraîner l’aggravation de questions plus importantes, constituant ainsi un danger pour la communauté.

Parmi les phénomènes et problèmes sur lesquels les institutions officielles concentrent leurs efforts pour sensibiliser la population, on retrouve l’analphabétisme, l’ignorance, la corruption, le harcèlement, le mariage précoce, le célibat prolongé, l’abandon scolaire des enfants, les inégalités de genre, la discrimination au sein des communautés, la pauvreté, le chômage, la violence sous toutes ses formes, la traite des êtres humains, le vol, et la privation des filles de l’éducation. Plus ces problèmes s’intensifient, plus ils se transforment en phénomènes qui détruisent la paix des sociétés et menacent leur avenir.

La hausse des prix des dots est due à la dévaluation du rial yéménite par rapport au dollar, ce qui constitue l’un des principaux facteurs à l’origine de l’augmentation du phénomène du célibat prolongé, en particulier chez les jeunes femmes. Les statistiques officielles d’avant le conflit indiquaient plus de deux millions de femmes non mariées, et il est probable que ce chiffre ait doublé en raison des conditions économiques difficiles et du manque d’opportunités de mariage. Avec la croissance de la population yéménite atteignant près de 30 millions d’habitants, le nombre de femmes en âge de se marier augmente, accentuant ainsi la pression sur le marché du mariage et renforçant le phénomène du célibat prolongé.

 

Le rôle des secteurs officiels

La Dre. Salwa Brik, conseillère du ministre de la Justice pour les affaires de la femme et de l’enfant, souligne l’importance de la création de départements spécialisés au sein des institutions souveraines pour traiter les problèmes sociaux liés à la femme et à l’enfant. À titre d’exemple, le ministère de la Justice dispose d’une direction dédiée à la femme et à l’enfant, dont l’un des programmes est de s’attaquer à divers phénomènes sociaux tels que le célibat prolongé. Ce département se penche sur l’analyse des divers aspects qui aggravent ces problèmes, comme l’augmentation des dots, qui est l’un des facteurs influençant négativement et directement la hausse du taux de célibat dans la société.

Elle indique que le secteur de la femme et de l’enfant au sein du ministère est une administration spécialisée dans les questions relatives aux femmes et aux enfants, et qu’il s’attèle à résoudre les problèmes sociaux affectant ces groupes. Elle souligne également que ce rôle ne se limite pas uniquement au ministère de la Justice, mais s’étend à d’autres ministères, comme celui des Affaires sociales, ainsi qu’aux organisations de la société civile qui s’occupent des questions liées aux femmes et aux enfants. Le secteur de l’éducation, quant à lui, se concentre sur les problèmes liés à l’éducation des filles, notamment celles qui abandonnent l’école.

Elle ajoute également : « La sensibilisation à ces phénomènes se fait par des méthodes variées, telles que l’organisation de tables rondes et de discussions réunissant des experts et des membres de la communauté pour débattre de ces problématiques, ainsi que des séminaires de sensibilisation visant à accroître la prise de conscience du public sur des sujets spécifiques. Des brochures éducatives, contenant des histoires réelles, sont également distribuées afin de mettre en lumière les risques et les conséquences de la persistance de ces phénomènes ».

Elle précise que ces efforts montrent que les institutions visent à traiter les problèmes en profondeur et à rechercher des solutions efficaces aux difficultés affectant les femmes et les enfants, ce qui contribue à la stabilité de la société et à son progrès.

 

Les institutions éducatives

Le phénomène du célibat dans la société yéménite s’est amplifié ces dernières années en raison de nombreux facteurs économiques, culturels et sociaux exacerbés par le conflit continu dans le pays, et l’aggravation de la situation a été exacerbée par la diminution des performances des institutions de surveillance et de sécurité. On peut considérer ce phénomène comme une partie d’un impact plus large des conditions difficiles que traverse le Yémen.

Les institutions éducatives jouent un rôle crucial dans le traitement des phénomènes sociaux tels que le célibat, particulièrement dans une société comme celle du Yémen, qui fait face à des défis économiques et sociaux complexes. L’éducation, qu’elle soit au niveau de l’enseignement de base ou supérieur, constitue une plateforme puissante pour renforcer la sensibilisation et promouvoir les concepts qui aident à modifier les comportements sociaux concernant des questions telles que le report du mariage.

Le rôle des institutions éducatives dans le changement de la perception du « célibat » peut jouer un rôle important dans la promotion d’un changement social positif au Yémen. Elles peuvent y parvenir en renforçant la sensibilisation et en apportant un soutien aux individus et à la société en général. Les institutions éducatives peuvent jouer divers rôles en diffusant des concepts plus progressistes concernant le mariage et le célibat dans les programmes scolaires, et en soulignant que le report du mariage ou le choix de ne pas se marier est une décision personnelle qui ne doit pas être liée à la stigmatisation sociale ou au concept de « célibat ».

Les institutions éducatives contribuent également en offrant des opportunités éducatives professionnelles et académiques, ce qui permet aux femmes de gagner leur autonomie économique et de réduire leur dépendance au mariage comme source de sécurité financière. Elles jouent un rôle en lançant des discussions sur le sujet avec les étudiants et la communauté, en défiant les idées traditionnelles qui considèrent le mariage comme un objectif essentiel dans la vie des femmes, et en œuvrant pour sensibiliser les nouvelles générations aux droits des femmes, y compris leur droit à prendre des décisions de vie sans pression sociale ou familiale. Elles visent à changer la perception sociétale qui considère le report du mariage comme un manque de valeur pour les femmes, en affirmant que cela peut être une partie de la liberté individuelle dans la détermination de son propre parcours de vie.

L’enseignant Rashid Al-Bakali, du gouvernorat de Raima, souligne le rôle crucial de l’éducation dans la lutte contre le phénomène de l’inadéquation matrimoniale au Yémen. Il met en avant plusieurs facteurs qui rendent les femmes instruites des candidates préférables au mariage, contribuant ainsi à réduire le taux d’inadéquation. Les points qu’il mentionne résument comment l’éducation contribue à améliorer les opportunités de mariage pour les femmes et à stabiliser les relations conjugales.

Il a mentionné que les femmes instruites sont mieux préparées à faire face aux défis de la vie conjugale et économique, ce qui les rend des partenaires recherchées par les jeunes et réduit ainsi le taux d’inadéquation. De plus, les femmes instruites sont plus conscientes des fondements d’une relation conjugale basée sur l’affection et le respect, ce qui assure une vie conjugale saine et stable.

Il a ajouté : « L’éducation donne à la femme la capacité d’élever correctement ses enfants et de les aider dans leur éducation, ce qui a un impact positif sur la famille et la société. Elle comprend mieux les moyens d’atteindre le bonheur conjugal et est capable de maintenir une relation harmonieuse avec son partenaire. De plus, l’éducation offre à la femme des opportunités d’emploi, ce qui lui permet d’aider son mari à alléger les charges financières auxquelles la famille est confrontée ».

Il a confirmé que la femme éduquée est plus capable de résoudre les conflits conjugaux et de surmonter les défis grâce à sa connaissance et à sa conscience de l’importance de la compréhension et du pardon. L’éducation permet également à la femme d’obtenir une position sociale élevée, ce qui la rend plus attrayante pour le mariage et contribue ainsi à réduire le taux de célibat.

L’enseignante qui a préféré rester anonyme soulève la question suivante : « Comment pouvons-nous sensibiliser nos élèves à la lutte contre le célibat alors que le système éducatif lui-même est confronté à plusieurs défis ? ».

Elle souligne que le système éducatif au Yémen fait face à de nombreuses difficultés, qui affectent directement la capacité des institutions éducatives à jouer leur rôle dans la sensibilisation sociale, y compris en ce qui concerne des problèmes tels que le célibat. Les défis incluent la surcharge des salles de classe, avec plus de cent élèves par classe, ce qui rend difficile pour l’enseignant de transmettre les informations de manière efficace. De plus, il y a un manque de mobilier, de manuels scolaires et de matériel éducatif essentiel, ce qui entrave considérablement le processus d’enseignement. L’insuffisance de personnel éducatif et la difficulté de la situation économique et de vie aggravent encore la situation.

Une autre enseignante dans une école primaire souligne le rôle crucial de l’éducation dans la construction des sociétés et le développement des nations. Elle explique que l’éducation peut être la clé pour surmonter de nombreux problèmes, tels que le chômage et le célibat. Cependant, comme elle le précise, la situation au Yémen est confrontée à de grands défis qui rendent difficile la réalisation de ces bénéfices.

Elle poursuit : « Les défis auxquels la jeunesse yéménite est confrontée représentent une réalité douloureuse. Nombre d’entre eux obtiennent des diplômes universitaires, mais se retrouvent sans emploi, ce qui oblige certains à ranger leurs diplômes dans des tiroirs où ils ne voient jamais le jour. Les jeunes se perdent dans les problèmes de la vie, et sans emploi, ils se débattent dans les difficultés, ce qui affecte leur capacité à se marier et à fonder une famille ». Elle se demande : « Comment pouvons-nous lutter contre le célibat prolongé si nos jeunes n’ont pas les moyens de se marier ? ».

 

Le rôle de l’enseignement supérieur

Najeeba Farhan, étudiante universitaire originaire d’Al-Hodeïda, estime que l’enseignement supérieur est l’un des secteurs éducatifs les plus importants au sein des sociétés. Selon elle, ce secteur joue un rôle crucial dans la sensibilisation à divers enjeux sociaux, notamment parce qu’il forme des jeunes armés de connaissances et de savoirs, capables de transformer les comportements et les mentalités de la société, tout en guidant leurs pays vers un avenir plus prospère et développé.

Farhan déclare : « Il est indispensable d’intégrer des programmes de sensibilisation dans toutes les universités, facultés et instituts, à travers les différentes spécialités, pour aborder les phénomènes et les problèmes qui perturbent aujourd’hui les Yéménites et menacent leurs générations et leur avenir. Parmi ces problèmes, celui du célibat prolongé, dont le taux ne cesse d’augmenter chaque année ».

Elle ajoute : « Le développement des programmes éducatifs, en y intégrant des sujets sur l’importance du mariage et les risques liés au refus de celui-ci, pourrait être une étape efficace pour combattre le phénomène du célibat prolongé dans la société yéménite. Il est également essentiel de sensibiliser à la manière de faciliter le mariage pour les jeunes, aux conséquences de la hausse des dots, ainsi qu’à la lutte contre les traditions, les coutumes et les pressions sociales qui contribuent à l’expansion de ce phénomène. Par ailleurs, l’organisation d’ateliers de sensibilisation et de débats sur la nécessité de combattre ce problème est également cruciale ».

De son côté, l’étudiante universitaire Kholoud Salem, vient de Taïz, souligne l’importance d’un cours universitaire commun à toutes les disciplines, qui inclurait la sensibilisation à toutes les problématiques et phénomènes sociaux présents dans la société yéménite, ainsi que les méthodes et moyens pour les combattre et les éradiquer.

Salem affirme que l’intégration de tels cours dans toutes les formations garantirait une prise de conscience collective chez les individus, et assurerait un avenir radieux aux pays, exempt de phénomènes et de problèmes sociaux, y compris le phénomène du célibat prolongé.

La lutte contre le phénomène du célibat prolongé au Yémen constitue un défi majeur, et l’éducation peut jouer un rôle central dans l’atténuation de ce problème. En sensibilisant les jeunes à l’importance de l’éducation comme un moyen d’améliorer leurs perspectives économiques et sociales, l’éducation permet aux jeunes de prendre des décisions plus éclairées en matière de mariage. De plus, les programmes éducatifs peuvent contribuer à changer les perceptions négatives liées au mariage et à promouvoir des valeurs d’égalité entre les sexes.