Hebah Mohammed – La Femme dans le Développement et la Paix
Au Yémen, le mariage représente l’un des éléments fondamentaux à travers lesquels se manifestent les coutumes et traditions qui donnent une image unique d’un patrimoine riche en diversité et en profondeur selon les régions et les tribus. Bien que ces coutumes reflètent un héritage culturel riche, le phénomène du célibat met en lumière un point d’équilibre fragile entre le passé et le présent ; les traditions tribales se croisent avec les défis sociaux modernes, laissant un effet profond sur la vie des femmes yéménites.
Les coutumes et traditions concernant le mariage au Yémen varient selon chaque région et sont influencées par des facteurs divers et profonds. Elles constituent un pilier fondamental dans la vie de l’individu et de la société. Les facteurs influençant le mariage dans la société tribale sont variés, incluant des éléments économiques, sociaux et culturels qui jouent un rôle crucial dans la formation des concepts de mariage et de célibat dans la communauté tribale.
Influence tribale
L’influence tribale sur le mariage au Yémen a un rôle central à former les concepts de mariage et de célibat dans les communautés qui adhèrent aux coutumes et traditions tribales. Les valeurs et traditions tribales constituent une partie essentielle de l’identité de la société yéménite, liant le mariage à des normes strictes concernant la filiation et l’appartenance tribale. Ces éléments font partie intégrante de l’identité sociale et culturelle des Yéménites et jouent un rôle crucial dans l’organisation des relations sociales et du mariage.
Intissar Al-Abr, militante communautaire, dit : « Dans certaines communautés tribales au Yémen, le mariage est lié à des traditions et des valeurs tribales spécifiques, ce qui peut rendre difficile le choix d’un partenaire appartenant à une tribu différente, ne faisant pas partie de la même tribu ou clan. Cela peut entraîner une augmentation du taux de célibat dans certaines communautés tribales ».
Elle souligne que la plupart des familles et des communautés tribales au Yémen imposent des conditions et des pressions considérables aux jeunes concernant le mariage et le choix d’un partenaire approprié, ce qui peut avoir un impact négatif sur la liberté de choix et, donc, augmenter les cas de célibat lorsque les individus ne répondent pas à ces attentes.
De son côté, Dr. Mahmoud Al- Bukari, professeur de sociologie à l’Université de Taïz, explique que les facteurs culturels et sociaux contribuent à l’augmentation du phénomène du célibat au Yémen, surtout en ce qui concerne l’éducation des filles. Dans certaines communautés traditionnelles, il y a encore un fort rejet de l’idée d’éduquer les filles, notamment en ce qui concerne l’enseignement supérieur ou universitaire, et dans certains cas même l’éducation du lycée.
Il a précisé que certaines familles préfèrent marier des filles moins éduquées ou analphabètes, car on pense qu’elles seront plus disposées à assumer les tâches ménagères, agricoles et autres travaux qui leur sont demandés. Cela peut avoir un impact sur la façon dont les enfants sont élevés et sur le développement de la société en général.
Zahra Faraj, militante communautaire, souligne l’impact profond de la stéréotypie masculine dans la société yéménite et son rôle crucial dans la restriction de la liberté des femmes à choisir leur partenaire de vie. Cette culture prédomine dans de nombreuses communautés yéménites, conférant aux hommes le contrôle sur les décisions de mariage et rendant les femmes soumises aux décisions familiales et communautaires. Ainsi, les femmes se retrouvent contraintes de se conformer aux attentes de leurs familles ou de la société, sans avoir la liberté de choisir, en raison de la prévalence de la culture héroïque et des coutumes sociales qui entravent leur liberté et limitent leurs choix.
Des coûts élevés
M.Al-Bukari dit : « Les coutumes et traditions sociales au Yémen jouent un rôle principal dans la détermination des taux de mariage, mais elles entravent de plus en plus les jeunes en raison de l’exagération des exigences matrimoniales. Récemment, le phénomène de la vantardise et de l’augmentation des demandes et des coûts du mariage s’est répandu, en tant que forme d’imitation des familles riches et aisées. Cela a donc considérablement augmenté les taux de célibat, notamment dans les villes. En raison de ces pressions financières, de nombreux jeunes choisissent de retourner dans les villages pour s’y marier, où les coûts du mariage sont beaucoup moins élevés par rapport aux villes ».
Amal Baqreen, chercheuse sociale, souligne que certaines coutumes étrangères à la société yéménite, telles que la préférence pour le mariage avec des filles jeunes, ont réduit les opportunités de mariage pour les femmes diplômées ou employées. Dans certaines sphères de la société yéménite, la femme éduquée est perçue de manière dévalorisante en raison de son interaction avec diverses catégories de la société.
À ce sujet, Nassim Ismail, éducatrice, explique un autre aspect du problème ; le montant de trois millions de rials comme coût minimum du mariage est devenu une norme sociale largement acceptée par les familles yéménites, rendant le mariage inaccessible pour de nombreux jeunes. Concernant son expérience personnelle, elle souligne le contraste auquel la femme yéménite fait face entre l’éducation et le mariage précoce ; toutes ses sœurs se sont mariées jeunes et ont abandonné leurs études, tandis qu’elle a choisi de poursuivre sa formation au détriment du mariage.
Elle souligne que, dans le contexte des conditions et des traditions conservatrices yéménites, des rôles spécifiques sont imposés à l’homme et à la femme, ce qui inclut l’abandon de l’éducation par la femme pour se consacrer à la maison, à l’éducation des enfants et aux soins de la famille. Ces responsabilités principales sont difficiles à accepter pour les filles diplômées ; cela conduit à de nombreux échecs matrimoniaux lorsque les attentes sociales ne correspondent pas aux aspirations de la femme éduquée, tandis que les cas de succès restent rares.
Elle a également expliqué que ces traditions incitent parfois les hommes à ne pas compter sur leurs épouses pour améliorer le revenu, ce qui rend le mariage des jeunes avec des femmes diplômées et employées rare.
Célibat et travail
De son côté, Reem Mohammed, étudiante universitaire, dit : « Les jeunes hommes et femmes au Yémen, en particulier dans certaines tribus qui s’accrochent aux anciennes coutumes et traditions, pensent qu’une fille prend un risque en décidant de poursuivre ses études universitaires ou de rejoindre le marché du travail. En effet, les jeunes dans le pays évitent souvent de se marier avec une diplômée universitaire ou une employée, à moins que la situation ne soit rare ».
Elle ajoute : « Cela est en accord avec les résultats des études sur ce phénomène, qui ont confirmé qu’il y a plus d’un demi-million de Yéménites ayant dépassé l’âge de trente ans sans s’être mariées ». Elle souligne la prévalence du célibat à des taux élevés, surtout parmi les personnes ayant des diplômes universitaires et supérieurs.
Rejet des femmes non mariées
Dans de nombreuses régions du Yémen, surtout dans les zones rurales et tribales, les femmes non mariées font face à de sévères défis sociaux résultant de traditions et de coutumes profondément ancrées. Dans ces environnements, le fait qu’une femme ne se marie pas est considéré comme un manquement à son rôle social, et le mariage et la formation d’une famille sont considérés comme le principal objectif imposé aux femmes.
Mme. Faraj dit : « Dans le contexte des coutumes et traditions yéménites, les femmes non mariées font face à un regard négatif de la part de la tribu, ce qui renforce leur position précaire au sein de la société tribale. Le fait qu’elles ne parviennent pas à se marier et à fonder une famille est considéré comme une preuve de l’inachèvement de leur rôle social. Aux yeux de la société, elles sont perçues comme des personnes qui n’ont pas réussi à atteindre l’objectif principal dans la vie, à savoir fonder une famille et assumer les responsabilités du mariage et de la maternité ».
Dre. Iman Al-Hamdi, spécialiste en psychologie et en sociologie, a confirmé que le regard tribal sur la femme non mariée reflète la croyance selon laquelle sa situation est une honte pour la famille et la tribu. Cela pousse les familles à essayer de la marier à n’importe qui de convenable, à condition qu’il soit de la même tribu. Cette mentalité dépend de valeurs et de traditions erronées renforçant l’importance du mariage en tant qu’institution sociale et accordant trop d’importance au partenariat tribal.
D’autre part, la femme non mariée fait face à de nombreux défis dans sa communauté. Dre. Al-Hamdi explique qu’elle peut avoir des regards suspicieux et de la discrimination dans le traitement en raison de sa situation sociale. Certains individus peuvent parfois lui faire preuve de pitié, tandis qu’il peut y avoir un traitement injuste et une discrimination concernant ses droits et ses opportunités dans la société, en raison de leur perception d’elle en tant que « célibataire ».
Mme. Al-Hamdi attire l’attention sur le fait que certaines zones rurales au Yémen manifestent un rejet sévère envers les femmes non mariées, surtout dans les environnements qui privilégient le mariage des filles à un jeune âge. Ces communautés considèrent le mariage précoce comme une partie des coutumes et traditions profondément ancrées. Alors, avec le passage du temps, la femme subit une pression intense et fait face à l’oppression et à l’injustice de la part de sa famille et de la société environnante.
Elle estime que ce comportement place la femme dans une situation difficile, où elle se sent obligée d’accepter de se marier avec n’importe quel homme qui se présente à elle, sans conditions, afin d’éviter l’isolement et la marginalisation sociale. En revanche, les jeunes filles ont la capacité de poser des conditions pour accepter un mariage, car elles, dans leur phase de réflexion et de développement social, ont tendance à choisir leur partenaire de vie avec prudence et selon leurs propres normes.
Défis et effets
Dans certaines tribus, la femme fait face à d’importants défis en raison de l’influence des coutumes, des traditions et de la discrimination sociale. Il ne fait aucun doute que la femme dans la tribu est affectée par ces coutumes et traditions.
Mme. Al-Abr indique qu’il y a de nombreux défis psychologiques pour la femme soumise à l’influence de la tribu. Elle se sent comme une simple machine contrôlée par les autres, gérant sa vie, et son rôle se limite à écouter, obéir et se conformer aux attentes de son entourage. Cette perception peut avoir un impact négatif sur son estime de soi et diminuer son sentiment de confiance, de dignité et de respect personnel.
Adwaa Mohammed, spécialiste en psychologie, confirme que les filles qui se marient tardivement souffrent souvent d’une baisse de moral, ressentent de la dépression et un manque de confiance, ce qui impacte négativement leur vie. Ces effets négatifs se reflètent fortement sur la femme, qui éprouve de l’inquiétude, une anxiété excessive, ainsi que de la honte dans la société.
Elle estime que, en l’absence de motivation religieuse, le célibat peut pousser les femmes à faire des relations déviantes, découlant de leur ressentiment envers les femmes mariées. Les choses peuvent atteindre un point où elles organisent des complots pour nuire au bonheur et à la stabilité des autres dans leur vie conjugale.
Mme. Al-Hamdi ajoute : « Les facteurs psychologiques chez les femmes qui se marient tardivement révèlent parfois un sentiment de frustration et de privation. Les femmes ont naturellement tendance à s’harmoniser avec celles qui partagent leur vie, et si elles perdent ce droit à la participation, cela peut entraîner des sentiments de frustration, de désespoir et de privation sur les plans psychologique, émotionnel et financière ».
Elle indique qu’avec l’âge, les femmes peuvent être envahies par le sentiment de ne pas être désirées pour le mariage, ce qui entraîne de l’anxiété, du stress psychologique et de la dépression. Dans la société yéménite traditionnelle, le mariage et la maternité font partie intégrante de leur valeur et de leur éducation sociale, ce qui peut pousser certaines femmes à faire des concessions et des sacrifices pour se marier.
Elle souligne que certaines familles, face au problème du célibat, peuvent recourir à des comportements erronés tels que la sorcellerie, dans une tentative d’assurer le mariage de leurs filles. La prévalence du célibat peut également conduire à la dissolution de certaines relations conjugales à travers des relations illégitimes.
Elle estime que le célibat peut avoir un impact négatif sur l’efficacité professionnelle de la femme en raison des pressions psychologiques rencontrées dans la société. Elle se voit contrainte de travailler non pas par désir de réalisation de soi, mais pour assurer sa sécurité financière ou échapper à sa réalité sociale, ce qui peut l’amener à accepter des offres d’emploi inappropriées.
Les impressions négatives véhiculées par la société à l’égard du célibat entraînent des crises sociales et des cultures erronées. La femme non mariée est souvent perçue comme ayant « échoué » à faire son rôle social traditionnel, ce qui augmente la pression sur elle et conduit à sa marginalisation. Ces idées fausses contribuent à la détérioration de certaines valeurs éthiques et à la prolifération de phénomènes négatifs, tels que la prévalence du trafic sexuel.