Yasmine Abdulhafeez – La Femme dans le Développement et la Paix
Pour Nada Mounir (pseudonyme), le cours de sport a toujours été bien plus qu’une simple leçon scolaire traditionnelle. C’était en réalité un véritable voyage hebdomadaire dans un monde de mouvement, d’activité, d’apprentissage et de découverte de soi. Nada se remémore ainsi son enfance : « Le cours de sport était le meilleur moment que je passais à l’école. Nous nous y préparions depuis le début de la semaine, mes amies et moi, tout comme l’enseignante qui nous dispensait le cours. C’est là que nous avons découvert de nombreux sports et appris beaucoup d’informations sur le sport et les athlètes ».
Nada partage son expérience avec le journal (La Femme dans le Développement et la Paix) : « Quand mon père a remarqué ma passion pour le cours de sport, il a commencé à m’encourager à apprendre certains sports. Étant lui-même passionné de sport, il m’a entraînée à des exercices similaires à la gymnastique. Avec le temps, mes ambitions ont grandi. J’ai rêvé de devenir une athlète représentant mon pays sur la scène internationale, de remporter des prix prestigieux, d’apparaître à la télévision avec mes médailles et de soulever fièrement la coupe de la victoire, sous les acclamations de tous les supporters et ceux qui encouragent et soutiennent les femmes dans le sport ».
Nada a fait face à un tournant malheureux dans son parcours sportif lorsque son père est décédé subitement d’une crise cardiaque. Elle a non seulement perdu son principal soutien et son plus grand supporter, mais elle a aussi eu le sentiment que son rêve de devenir une athlète était mort avec son père.
Elle dit avec amertume : « Mon père est décédé d’un infarctus cardiaque soudain. J’ai alors fait face à de l’intimidation de la part de la société à cause de ma pratique sportive. J’ai entendu beaucoup de propos blessants qui m’ont fait penser à abandonner les sports que j’avais appris auprès de mon père. Des phrases comme : ‘’C’est une honte, tu es une fille, ces mouvements sont pour les garçons ! Pourquoi veux-tu te comporter comme un garçon et faire du sport ?’’ et d’autres remarques qui m’ont fait réaliser qu’il n’y avait plus de place pour réaliser mon rêve ».
Nada s’est mariée et a eu trois enfants, mais elle n’a jamais oublié son amour et sa passion pour le sport. Elle dit : « Je me souviens encore de l’ampleur de la passion que je ressentais pour le domaine sportif, mais l’attitude négative de la société envers la présence des femmes dans ce domaine a été un grand obstacle pour moi, et continue d’être un obstacle pour de nombreuses filles qui ont l’ambition de s’impliquer dans ce secteur ».
Le secteur du sport au Yémen, comme dans de nombreuses sociétés arabes, est encore considéré comme un domaine réservé aux hommes, excluant les femmes. Une perception erronée domine les esprits de certains, voyant la présence des femmes dans ce domaine comme une faute, voire même un interdit. Donc, le sport féminin au Yémen fait face à de nombreux défis qui entravent son développement et freinent ses ambitions futures d’être un acteur actif et un partenaire dans le développement de ce secteur important pour le pays.
Malgré les importants efforts déployés par la femme yéménite pour surmonter ces défis, elle continue de faire face à de nombreux obstacles qui entravent sa participation au secteur sportif et de convaincre la société que la présence des femmes dans ce domaine n’est pas un crime, mais qu’elle a le droit de pratiquer les sports qui conviennent à sa situation et à sa nature.
L’un des principaux obstacles est l’inégalité entre les deux sexes dans le domaine sportif. La participation des femmes aux postes de direction reste très faible par rapport aux hommes. Les femmes sont souvent confinées à des emplois spécifiques, généralement avec des salaires plus bas que leurs homologues masculins. Leur rôle dans la prise de décisions sportives au niveau national est marginalisé, et elles sont limitées à certains types de sports.
Le sport féminin au Yémen ne bénéficie pas du soutien suffisant du gouvernement, que ce soit en termes de fourniture d’installations sportives dédiées ou d’allocation de budgets pour soutenir leur participation aux événements sportifs locaux et internationaux.
Des opportunités d’emploi rares
Il ne fait aucun doute que la femme yéménite, comme les femmes du monde entier, fait face à de nombreux défis dans son parcours pour atteindre ses aspirations et objectifs, surtout en ce qui concerne l’accès aux postes de direction dans le domaine du sport.
Randa Al-Zyadi, femme des médias, met en lumière certains de ces obstacles dans son entretien avec le journal (La femme dans le développement et la paix). Elle dit que : « le problème n’est pas dans l’existence de lois interdisant aux femmes d’accéder à des postes de direction, mais dans la présence d’obstacles non apparents, notamment le fait que certaines femmes, en raison de leurs convictions personnelles, préfèrent la vie domestique au travail et à l’accès à des postes de direction ».
Cependant, Randa Al-Zyadi souligne qu’il y a de nombreuses femmes qui ont un esprit d’aventure et la détermination de poursuivre leur carrière et d’accéder à des postes de direction. Mais ces femmes ont des harcèlements invisibles qui les obligent à abandonner leurs ambitions et à renoncer aux postes qu’elles souhaitent occuper.
Al-Zyadi explique certaines formes de ces harcèlements, déclarant : « Dans certains environnements de travail, les femmes peuvent faire l’objet de harcèlement indirect de la part de leurs collègues, ou de harcèlement psychologique de la part de leurs collègues féminines ou de leur entourage. Ces facteurs ont un impact négatif sur la psychologie de la femme et l’incitent à se résigner et à renoncer à ses rêves d’accéder à des postes de direction ».
Les défis de la femme yéménite dans le milieu professionnel ne se limitent pas seulement aux harcèlements, mais Al-Zyadi souligne également « d’autres difficultés, comme l’inégalité des salaires entre les hommes et les femmes, et le fait que les femmes n’ont pas les mêmes opportunités de formation et de développement professionnel ».
Randa Al-Zyadi indique également que la représentation des femmes dans le secteur gouvernemental est très faible, ce que de nombreuses études ont confirmé. Il y a en effet de nombreux secteurs où le pourcentage de femmes est extrêmement bas par rapport aux hommes. Par exemple, dans une institution gouvernementale, on peut trouver 500 employés masculins et seulement trois femmes.
Elle souligne que cet écart important entre les nombres de femmes et d’hommes dans différentes institutions limite les opportunités des femmes d’accéder à des postes de direction, même si elles sont qualifiées pour ces postes.
En outre, elle déclare que : « La femme yéménite a tendance à travailler davantage dans des domaines spécifiques comme l’éducation et la médecine, car elle pense que ces domaines sont plus faciles et plus confortables que d’autres, comme le sport ». Estimant qu’il n’y a pas suffisamment d’attention accordée par l’État pour promouvoir le concept d’économie du sport, ce qui limite les opportunités d’encourager les femmes à s’impliquer dans ce domaine.
L’exclusion sociale
L’importance du sport féminin ne se limite pas seulement à être une activité physique contribuant à l’amélioration de la santé physique et mentale des femmes, mais elle va au-delà pour devenir un symbole d’autonomisation, de libération et de renforcement de la confiance en soi chez les femmes.
C’est également ce que confirme Intissar Mohsen Al-Muzaffari, coach de fitness, considérant que par la pratique du sport, la femme dépasse les limites et les contraintes qui lui sont parfois imposées par la société, et démontre sa capacité à réaliser des accomplissements et à réussir dans différents domaines.
Al-Muzaffari indique que l’élargissement du cercle de pratique du sport pour les femmes reflète un changement positif dans la perception sociale du rôle de la femme. Le sport devient alors un moyen de promouvoir l’égalité et de réaliser un développement global de la société. La participation des femmes à différents sports contribue à changer la conception traditionnelle de l’activité sportive, pour qu’elle inclue toutes les catégories de la société, indépendamment du sexe ou de la nationalité.
Elle s’avère également que dans de nombreuses régions yéménites, les femmes n’ont pas été encouragées à pratiquer des activités physiques. Au contraire, la croyance erronée selon laquelle le sport est trop fatigant pour le « sexe faible » a prévalu. Donc, de nombreuses femmes ont été exclues des événements compétitifs et leurs capacités sportives ont été sous-estimées.
De son côté, Randa Al-Zyadi souligne que la perception sociale du sport féminin au Yémen reste relativement conservatrice. En effet, la pratique sportive des jeunes filles, notamment dans certains types de sports, est encore considérée comme une chose choquante et contraire aux coutumes et traditions. Cela s’explique par un héritage social, intellectuel et culturel qui ancre l’idée que le sport n’est pas une priorité pour les filles et que de nombreux sports sont classés dans la catégorie de « honte ».
Dans ses propos, elle aborde également la situation générale du sport féminin au Yémen, disant : « Le conflit en cours dans le pays depuis plus de dix ans a eu un impact négatif sur tous les secteurs, y compris le secteur sportif. Cette influence s’est reflétée sur la vie des Yéménites en général, hommes et femmes, entraînant un net recul du niveau du sport féminin ».
Elle souligne également que le manque d’infrastructures sportives au Yémen est l’un des principaux défis. En effet, les clubs sportifs féminins restent encore peu nombreux et ne sont pas présents partout dans le pays. Ils souffrent également d’un manque d’équipements et d’outils sportifs, ce qui a un impact négatif sur la qualité des entraînements et les possibilités offertes aux femmes pour pratiquer le sport.
Elle ajoute : « Les difficultés économiques des Yéménites entravent également la participation des femmes au sport. En effet, dans ces conditions, le sport devient un luxe que de nombreuses personnes ne peuvent se permettre. Il y a une relation directe entre le niveau de bien-être social et la participation des femmes au sport. Plus le niveau de bien-être est élevé, plus les chances de participation des femmes aux diverses activités sportives augmentent ».
Des efforts pour la participation des femmes dans le domaine sportif
Al-Zyadi souligne que le manque d’événements sportifs dédiés aux femmes est l’un des principaux défis. En effet, beaucoup plus d’événements sportifs sont organisés pour les hommes que de compétitions réservées aux femmes. Cela entraîne une réduction des opportunités de participation des femmes aux activités sportives, et diminue leurs chances de réaliser des performances et de se démarquer. Elles subissent également l’emprise des traditions et des coutumes.
En fin, Zyadi affirme que : « Malgré tous les défis rencontrés, le sport féminin au Yémen a un infini potentiel de développement et d’épanouissement. Cela nécessite cependant des efforts concertés de toutes les parties prenantes pour changer le regard de la société sur le sport féminin, et soutenir la participation des femmes dans les différents domaines sportifs. La situation du sport féminin au Yémen, qui occupe une moindre place que le sport masculin, n’est pas propre au Yémen, mais se retrouve dans de nombreux autres pays arabes ».
Cependant, il est important de souligner qu’il y a eu des efforts déployés pour renforcer la participation des femmes au sport au Yémen. Ces programmes portent notamment sur la couverture des événements sportifs à travers l’écriture, la photographie, la préparation et la formulation d’émissions sportives, ainsi que d’autres aspects liés à la couverture médiatique du sport.
Au cours des dernières années, de nombreux programmes de formation et de qualification ciblant les femmes et les jeunes filles yéménites ont été lancés pour les autonomiser dans le domaine du journalisme sportif. Ces activités et programmes offrent une opportunité à de nombreuses femmes et jeunes filles qui souhaitent s’impliquer dans différents aspects du sport, que ce soit dans la couverture des événements sportifs ou l’accès à divers postes dans le secteur sportif.
La femme yéménite possède en effet tous les potentiels et les capacités nécessaires pour briller et réussir dans tous les domaines, y compris dans celui du sport. Tout ce dont elle a besoin, c’est de croire en ses capacités et de lui donner l’opportunité de prouver sa compétence et son mérite dans tous les domaines.