Alia Mohammed – La Femme dans le Développement et la Paix
Le retard dans le mariage des filles est un phénomène social qui indique le non-mariage d’une fille à un âge traditionnellement reconnu et varie d’une société à l’autre. Au Yémen, dépasser l’âge de trente ans sans mariage est socialement inacceptable. C’est pourquoi beaucoup considèrent le mariage précoce comme une solution pour atteindre la stabilité sociale et éviter le problème du célibat.
Les statistiques et les rapports internationaux indiquent que le Yémen est l’un des pays où les taux de mariage précoce sont élevés ; les filles se marient avant d’atteindre l’âge adulte. Ce type de mariage constitue une violation des droits des filles, car elles sont contraintes de supporter les responsabilités du mariage et de la maternité à un jeune âge, ce qui a des effets sur leur éducation et leurs opportunités de développement personnel.
Le mariage précoce au Yémen est également lié aux conditions culturelles, sociales et économiques de certaines familles, et il constitue une tradition sociale bien ancrée, surtout dans les zones rurales. Il est perçu comme un devoir social qui aide à préserver la « réputation de la famille », tout en réduisant les charges financières.
De plus, certains membres de la société limitent l’activité de la femme à son rôle reproductif et aux responsabilités familiales et domestiques qui en découlent. Cela a ancré dans la société le désir d’épouser une jeune fille pouvant avoir des enfants plus longtemps, tout en ignorant ses droits à l’éducation et à la réalisation de soi.
Le principe du mariage précoce au Yémen
En général, le mariage précoce et le célibat au Yémen sont deux phénomènes interconnectés en raison des pressions économiques, sociales et culturelles, chacune influençant l’autre de manière directe ou indirecte. La relation entre le mariage précoce et le célibat au Yémen est complexe et implique des facteurs sociaux, économiques et culturels.
Ahmed Shiraz, acteur et enseignant de musique, explique que la société yéménite accorde une grande importance au mariage comme étape fondamentale dans la vie d’une femme, le considérant comme un critère social de son succès et de sa stabilité. Ce concept social rend la femme non mariée sujette à la critique, voire à la pitié.
Il ajoute : « La femme célibataire au Yémen fait face à un mélange d’estime et de critique. D’une part, elle peut être perçue comme plus indépendante et capable de poursuivre ses études ou son travail, mais d’autre part, elle subit d’importantes pressions sociales pour se conformer aux critères de mariage traditionnelles ».
Il souligne que le retard dans le mariage est considéré comme un défi par de nombreuses familles yéménites, surtout que le mariage précoce reste répandu et dominant dans la société yéménite. Cela place la femme dans une position difficile, car elle se retrouve entre son désir de réaliser ses ambitions personnelles et l’adaptation aux exigences de la société.
Dans ce contexte, Marwan Al-Shamri, spécialiste social, considère que le phénomène du mariage précoce des filles représente un problème social complexe, influencé par des facteurs multiples et interconnectés. Il souligne que les principales raisons de la propagation de ce phénomène incluent des facteurs sociaux, économiques et politiques.
Il ajoute : « Certaines filles dans la société font face à de fortes pressions sociales qui les poussent à se marier à un jeune âge ; les coutumes et traditions jouent un rôle important dans la promotion des mariages d’enfants. La société perçoit le mariage précoce comme un moyen de protéger les filles et d’assurer un meilleur avenir pour elles, ce qui pousse de nombreuses familles à chercher à marier leurs filles avant qu’elles n’atteignent un certain âge ».
Il a expliqué que la pauvreté est l’un des principaux facteurs qui contribuent de manière significative à la propagation de ce phénomène au Yémen, les conditions de vie difficiles poussent certaines familles à marier leurs filles à un jeune âge dans une tentative de soulager le fardeau économique de la famille.
D’autre part, Salah Al-Haqab, chercheur social, a souligné l’existence d’un ensemble de facteurs sociaux, religieux, économiques et légaux qui renforcent la propagation du phénomène du mariage précoce.
Il estime que la mentalité patriarcale dans la société yéménite présente la femme comme un élément subordonné plutôt que comme un individu indépendant, un concept ancré dans la conscience populaire, renforcé par des proverbes tels que « Mariez votre fille à huit ans, je suis sûr qu’elle est déjà une femme », qui encouragent le mariage des filles à un jeune âge.
Il ajoute : « Certaines personnes utilisent la religion comme justification pour accepter le mariage précoce des filles, en s’appuyant sur cela pour légitimer ce comportement. De plus, la pauvreté et le besoin sont des facteurs qui poussent les parents à marier leurs filles à un jeune âge pour alléger les charges financières de la famille ».
Il a également précisé que l’aspect légal est l’une des principales raisons de la propagation de ce phénomène, surtout en l’absence de lois claires définissant l’âge légal du mariage ou le légitimant, ce qui contribue à aggraver le problème.
La préférence des hommes pour les jeunes filles
De nombreux hommes dans la société yéménite préfèrent épouser des filles jeunes, ce qui soulève des questions sur les raisons de cette tendance et son impact sur les femmes qui ont dépassé l’âge de trente ans.
Dans ce contexte, entremetteuse, qui a refusé de donner son nom, a dit : « Beaucoup d’hommes préfèrent épouser de jeunes filles, je reçois souvent des demandes d’hommes cherchant une mariée jeune d’une variété de gouvernorats yéménites ».
Elle attribue cela au fait que les hommes perçoivent les jeunes filles comme ayant une personnalité faible, ce qui facilite leur contrôle, tandis que les femmes plus âgées, ayant traversé diverses expériences de vie, ont une opinion forte et sont têtues. Cela pousse les hommes à chercher des filles jeunes pour les façonner selon leurs désirs personnels.
Elle ajoute : « Il y a des croyances répandues parmi les hommes selon lesquelles les femmes vieillissent plus rapidement que les hommes, c’est pourquoi ils préfèrent épouser de jeunes filles. Cette tendance ne concerne pas seulement les hommes, mais est également soutenue par de nombreuses familles yéménites qui encouragent leurs fils à épouser des filles jeunes afin qu’ils puissent les façonner comme ils le souhaitent ».
Elle a confirmé que le mariage précoce influence directement le refus d’épouser des femmes plus âgées, ce qui réduit les opportunités de mariage pour les femmes dans la vingtaine et la trentaine. Donc, les femmes ayant dépassé l’âge de mariage désigné subissent des pressions sociales, ce qui affecte leur santé mentale et augmente leurs souffrances en raison de la peur du célibat.
À ce sujet, M. Al-Haqab estime que l’ignorance est l’une des principales raisons qui poussent les hommes dans la société yéménite à préférer épouser une fille plus jeune. Cette préférence est renforcée par certaines règles sociales profondément ancrées dans la conscience populaire, qui considèrent que la partenaire de vie, la femme, doit être beaucoup plus jeune que l’homme. Cette perception repose parfois sur des raisons logiques et parfois sur des raisons illogiques.
Il ajoute que l’absence de mariage civil, qui repose sur la connaissance mutuelle et le consentement des époux, contribue à la propagation de ce phénomène. Au Yémen, le mariage se déroule souvent sans une connaissance directe entre les deux parties concernées, ce qui rend l’âge un facteur incontournable dans le processus de choix.
Des effets et des risques
Bien que la société yéménite perçoive le mariage précoce comme une solution pour échapper à l’angoisse du retard à marier, ce type de mariage comporte de sérieux défis et risques sur les plans psychologique, physique et économique.
De nombreuses filles mineures font face à des risques sanitaires graves en raison des grossesses précoces et des complications liées à l’accouchement. Souvent, les filles ne sont pas prêtes psychologiquement ou émotionnellement à assumer les responsabilités du mariage, ce qui entraîne de fortes pressions psychologiques. De plus, de nombreuses femmes mariées jeunes subissent des violences domestiques, qu’elles soient physiques ou psychologiques, renforçant ainsi l’impact négatif de ce type de mariage.
D’autre part, le mariage précoce constitue un obstacle à l’éducation des filles ; de nombreuses jeunes filles sont privées de poursuivre leurs études en raison des responsabilités du mariage et de la maternité. Cela limite leurs opportunités d’obtenir des emplois futurs et, alors, affecte négativement le développement économique dans les communautés où ce phénomène est répandu.
De plus, les sociétés encourageant le mariage des mineures renforcent la perception sociale selon laquelle une fille qui ne se marie pas à un jeune âge est indésirable. Cela place les filles non mariées face à des pressions sociales et psychologiques qui affectent leur confiance en elles et les poussent à l’isolement social, augmentant ainsi leurs souffrances et limitant leurs capacités à participer activement à la société.
Des solutions et des traitements
De nombreux experts sociaux affirment que le phénomène du mariage précoce et son impact sur la propagation du célibat dans la société est une question sociale complexe, nécessitant des efforts multiples et des interventions urgentes de la part de l’ensemble de la société, afin de garantir les droits des filles et de les habiliter à prendre leurs décisions librement.
Concernant les solutions proposées pour réduire le mariage précoce, M. Al-Shamri indique que ce phénomène et ses impacts directs sur les filles dans la vingtaine et la trentaine constituent une question complexe nécessitant des efforts conjoints de la part du gouvernement, de la société civile et de la communauté internationale.
Il affirme que la société doit assumer la responsabilité de lutter contre ce phénomène, et qu’il est essentiel de travailler à changer les concepts traditionnels concernant le rôle des filles dans la société. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les programmes de sensibilisation sur les dangers du mariage des mineures et ses effets négatifs sur les filles et la société en général, ainsi que sur l’importance de l’éducation et des droits des filles.
Il a également souligné l’importance d’apporter un soutien social et économique aux familles pauvres, afin de réduire les pressions qui les poussent à marier leurs filles à un jeune âge. De plus, promulguer des lois strictes interdisant les mariages de mineurs, avec des sanctions plus sévères pour les contrevenants.
En conclusion, M. Al-Shamri estime que briser le cycle du mariage des mineures et du célibat nécessite une réflexion approfondie sur des solutions durables qui contribuent à changer la perception sociale et à améliorer les conditions économiques et sociales des femmes, afin d’atteindre un équilibre entre le désir et le refus de se marier.