Yasmine Abdulhafeez – La Femme dans le Développement et la Paix
Dans cette histoire réelle, Umm Mohannad (nom d’emprunt) raconte l’expérience d’un jeune homme qui a demandé la main de sa fille unique. On y voit clairement les défis économiques auxquels font face les familles au Yémen lors des préparatifs de mariage. La mère du jeune homme a proposé une dot de quatre cents mille rials, un montant qui semble faible par rapport aux coûts élevés liés au mariage, surtout dans le contexte de l’augmentation continue des prix dans le pays.
Cette histoire reflète une réalité amère vécue par de nombreuses familles yéménites. La cherté des dots et des frais de mariage pèse lourdement sur les familles et devient un obstacle pour les jeunes hommes et femmes désireux de se marier. D’autre part, Umm Mohannad souligne que la hausse du prix de l’or, dont le gramme a dépassé les trente-huit mille rials, est l’une des principales raisons de l’augmentation des dots, en plus de la flambée des prix des vêtements et des autres fournitures nécessaires à la mariée.
Umm Mohannad souligne également que d’autres complications entravent les décisions des familles concernant le mariage de leurs filles. Bien que le jeune homme intéressé par sa fille soit de bonne moralité et de religion, et qu’il provienne d’une famille respectée, le véritable problème réside dans la situation économique difficile que traverse sa famille.
Umm Mohannad exprime son désir de poursuivre les fiançailles, même si elle devait vendre certains de ses bijoux pour assurer les préparatifs de sa fille, motivée par la bonne moralité et le comportement du jeune homme. Cependant, les membres de sa famille, y compris son mari, se sont montrés plus réticents à cette décision, justifiant leur refus par la crainte que le jeune homme ne soit pas en mesure de subvenir aux besoins essentiels de leur fille.
Les membres de sa famille soulignent que le jeune homme est gâté par ses parents et n’a pas l’habitude de travailler dur ou d’assumer des responsabilités financières. Cela les inquiète, craignant que leur fille puisse faire face à un avenir marqué par la privation, la pauvreté et la faim, une situation qu’ils ne souhaitent en aucun cas pour leur fille unique.
Amal Ahmed (nom d’emprunt) raconte également son expérience personnelle avec ses trois sœurs, toutes âgées de plus de trente ans et toujours célibataires. Bien que plusieurs jeunes hommes aient demandé leur main, tous manquaient de bonnes mœurs et d’une réputation honorable, ce qui a poussé la famille à les refuser. Elle justifie cette décision en disant : « Elles n’ont jusqu’à présent rencontré personne qui remplisse les critères essentiels pour le mariage, à savoir la religion, la moralité, ainsi que des origines respectables et honorables ».
Amal se remémore une histoire de ses années d’école, lorsqu’elle a vu une vieille mère de quatre-vingts ans aller de classe en classe pour demander une aide financière afin de payer la dot de son fils pour qu’il puisse se marier. Cette histoire a suscité des interrogations dans l’esprit d’Amal. Elle se demandait : « Comment une personne qui n’a pas pu économiser assez pour payer la dot tout au long de sa vie pourra-t-elle plus tard subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants ? ».
Amal explique que de nombreuses filles au Yémen ont préféré ne pas se marier malgré leur âge avancé, en raison de l’incompétence des prétendants à gérer une famille et à offrir une vie stable. Elles préfèrent attendre quelqu’un capable d’assurer une vie décente, loin du luxe et des superflus. Ce choix reflète une vision croissante du mariage comme une responsabilité à long terme, nécessitant un partenaire capable de fournir un soutien matériel et moral.
Défis et solutions
Le célibat est défini comme un phénomène social concernant les personnes qui ont dépassé l’âge légal du mariage sans s’être mariées. Ce phénomène est considéré comme l’une des problématiques sociales les plus graves, surtout après l’éclatement des conflits. Beaucoup de jeunes hommes ont été enrôlés dans des combats, abandonnant leurs études, ce qui a conduit certains à perdre la vie ou à se retrouver en prison.
Les experts estiment qu’il existe de nombreux défis qui contribuent à l’augmentation du célibat prolongé au Yémen, notamment la pauvreté, le chômage, les traditions et coutumes, les pressions familiales, et la prise de conscience de nombreux jeunes qui ont des ambitions et des aspirations futures, ce qui les pousse à retarder l’idée du mariage jusqu’à ce qu’elles se réalisent. De plus, la perception de la société envers les filles universitaires et éduquées, l’ignorance et le coût de la vie, qui ont contraint de nombreux parents à augmenter le montant des dots, sont autant d’autres défis économiques, sociaux et culturels.
Le journal La Femme dans le Développement et la Paix a réalisé des entretiens avec un groupe d’experts économiques et sociaux, ainsi que des militants, afin de mettre en lumière les solutions et propositions possibles pour faire face à la problématique du célibat prolongé au Yémen et aborder les multiples défis qui lui sont associés.
Fawzi Mohammed Al-Shami, professeur de sciences sociales et de travail social, estime que la prévalence du célibat prolongé au Yémen est liée à de nombreux défis, notamment la pauvreté, le chômage, les conflits, les changements culturels, les coutumes et traditions, ainsi que le niveau d’éducation.
Il a expliqué que les difficultés économiques entraînent naturellement un retard dans l’âge du mariage chez les jeunes, car ils font face à d’énormes défis pour répondre aux exigences du mariage, telles que le logement et la dot.
Il a souligné que la pauvreté et le chômage ont un impact direct sur l’instabilité financière, ce qui pousse les jeunes à craindre l’avenir et les responsabilités, les amenant ainsi à hésiter à prendre la décision de se marier. Ces conditions difficiles créent un environnement défavorable au mariage, ce qui contribue à l’augmentation du phénomène de l’inoccupation au sein de la société yéménite.
Il poursuit en affirmant : « Il est impératif de trouver des solutions pour traiter le phénomène de l’inoccupation au Yémen. Parmi les solutions proposées, il y a la nécessité d’améliorer les conditions économiques pour créer des opportunités d’emploi pour les jeunes, afin de leur permettre d’atteindre la stabilité financière qui les aidera à fonder de nouvelles familles. Il est également crucial d’assurer la stabilité politique et sécuritaire, ce qui permettra aux jeunes de se sentir confiants quant à leur avenir. De plus, une sensibilisation communautaire sur l’importance de réduire les coûts du mariage, d’abandonner les traditions complexes et de modifier les législations pour encourager le mariage est essentielle. Enfin, il est nécessaire d’assurer une protection sociale et économique pour les jeunes et de fournir des services de conseil et de soutien psychologique aux jeunes et aux familles pour les aider à faire face aux défis psychologiques et sociaux, tout en œuvrant à l’émancipation des femmes, afin qu’elles puissent devenir des partenaires actives dans la création d’une famille stable ».
Le mariage et l’éducation
Nadia Naji, membre du groupe (Sudistes pour la paix), estime qu’il existe de nombreux défis sociaux qui contribuent à la propagation du phénomène de l’inoccupation au Yémen. Ces défis incluent le chômage et l’absence d’opportunités d’emploi, l’exagération des dots et des coûts de mariage, certains cherchant à se vanter et à exagérer les éléments de luxe, ce qui entrave les opportunités de mariage. Elle souligne également l’ingérence des parents dans les décisions de mariage, le coût de la vie, et la hausse des prix des loyers.
Nadia explique aussi que l’éducation, bien qu’elle ait ses avantages, a également contribué à l’augmentation du phénomène de l’inoccupation. En effet, les filles éduquées poursuivent souvent leurs ambitions de terminer leurs études et d’obtenir des diplômes supérieurs, ce qui les éloigne du mariage à un jeune âge. Si un jeune homme avec un niveau d’éducation ou un statut social inférieur se présente, elles sont souvent confrontées au choix de le refuser, craignant d’être victimes de persécutions ou de jalousie. L’éducation a accordé aux filles une plus grande indépendance, ce qui pousse certaines d’entre elles à préférer vivre en tant que célibataires indépendantes.
Elle souligne également que l’émigration a un impact significatif sur le phénomène de l’inoccupation. En effet, de nombreux jeunes qui émigrent préfèrent épouser des femmes étrangères dans le pays où ils se sont installés, ce qui réduit les chances de mariage pour les jeunes femmes au Yémen.
Elle confirme la nécessité de trouver des solutions efficaces pour faire face aux défis qui exacerbent le phénomène de l’inoccupation au Yémen, qui connaît une expansion notable. Elle évoque un ensemble de solutions qui pourraient contribuer à réduire ce phénomène, notamment en dépassant les apparences sociales superficielles, telles que les fêtes luxueuses et les vêtements coûteux, qui entraînent des dépenses financières importantes. Elle propose également de généraliser l’idée de mariages collectifs, qui représentent une méthode pratique pour diminuer les coûts liés au mariage.
Elle poursuit : « Il est essentiel de simplifier et de faciliter les procédures de mariage en fonction des conditions sociales et économiques actuelles, afin que le mariage soit accessible à un plus grand nombre de jeunes. De plus, il est crucial que les familles soutiennent les jeunes couples, au lieu d’imposer des restrictions qui entravent leur stabilité conjugale. Il est également important de trouver un équilibre entre l’éducation et le mariage, en conseillant aux filles de ne pas reculer face au mariage sous prétexte de poursuivre leurs études, mais plutôt de s’accorder avec leur partenaire pour continuer leur éducation après le mariage ».
Nadia Nagi parle également des solutions que l’État et les organisations de la société civile peuvent mettre en œuvre pour lutter contre le phénomène de l’infertilité et renforcer le mariage en tant qu’institution sociale essentielle. Parmi ces solutions, on trouve : l’augmentation de la sensibilisation culturelle à travers des campagnes éducatives qui encouragent le mariage et renforcent les valeurs familiales, la simplification des procédures de mariage et la réduction de ses coûts pour les adapter aux conditions économiques et sociales actuelles, rendant ainsi le mariage plus accessible et facile pour les jeunes.
Elle a ajouté : « Il est essentiel de créer des opportunités d’emploi pour les jeunes sans travail et de renforcer le rôle des organisations de la société civile, comme l’Union des femmes du Yémen et d’autres organisations, qui œuvrent à renforcer les compétences des jeunes et à leur fournir les compétences nécessaires. Offrir des prêts à faible intérêt aux personnes souhaitant se marier peut aider les jeunes à commencer leur vie conjugale sans lourdes charges financières. Il est également crucial d’activer le rôle des médias écrits, audiovisuels et radiophoniques pour diffuser des messages positifs sur le mariage, encourager des coutumes et traditions saines, et travailler à l’amélioration des conditions de vie de la société pour favoriser la stabilité et la capacité à se marier, tout en assurant la sécurité ».
Un environnement stable
D’un autre côté, la Dre. Amal Saleh Saad Rajeh, professeure associée au département de sociologie de l’Université d’Aden, souligne sa vision concernant les solutions possibles pour traiter le phénomène du célibat dans la société en insistant sur la nécessité d’établir la paix dans la société, ce qui est fondamental pour créer un environnement stable propice à la promotion du mariage et à la formation de familles. Elle appelle aussi à établir une base économique productive capable d’accueillir la main-d’œuvre jeune et à faciliter les procédures de mariage, en évitant d’exiger des dots élevées ou d’organiser des réceptions nuptiales dans des salles somptueuses
Elle souligne également la nécessité de sensibiliser les jeunes hommes et femmes à l’importance de choisir un partenaire de vie basé sur l’harmonie et le respect mutuel, plutôt que sur la lignée ou la richesse. Elle encourage l’organisation de mariages collectifs pour réduire les coûts et faciliter le mariage pour de nombreux jeunes. En outre, elle plaide pour le renforcement du rôle de ces organisations dans le soutien aux jeunes pour les aider à faire face aux coûts du mariage.
Quant à Rashid Mohammad, activiste communautaire, il considère que les solutions pour lutter contre l’inactivité conjugale comprennent : la création d’opportunités d’emploi pour les jeunes afin de renforcer leur capacité à se marier, l’amélioration des conditions économiques de la société dans son ensemble, et la réduction des dépenses excessives liées au mariage. Il insiste sur la nécessité de diminuer les dotations et les coûts associés au mariage pour faciliter le processus et éviter le gaspillage.
Aida Ashour, présidente de la branche de la Commission nationale de la femme dans le gouvernorat de Lahij, souligne l’importance de solutions multiples pour traiter le phénomène de l’inactivité conjugale dans la société. Cela inclut la sensibilisation médiatique à travers la télévision, la radio et la presse pour promouvoir l’importance du mariage et la nécessité de changer certaines idées et traditions associées à celui-ci. Elle insiste également sur l’amélioration de la situation économique et l’encouragement à s’engager avec des femmes travailleuses et cultivées sur le plan social ou politique, car elles contribuent à alléger les fardeaux de la vie de leur partenaire.
Elle ajoute : « Il est essentiel que les associations et les institutions organisent des mariages collectifs pour les jeunes en difficulté qui font face à des conditions difficiles, ce qui contribue à réduire le phénomène de l’inactivité conjugale. De plus, il est important de mettre en place des programmes de sensibilisation pour les jeunes sur l’importance du mariage et de la formation d’une famille, au lieu de s’écarter de ces valeurs, et cela doit être fait par les organisations de la société civile ».
Nadia Nagi conclut en soulignant que la famille est considérée comme la cellule fondamentale de la société, représentant une source de stabilité et de bonheur pour l’individu. Le mariage est vu comme le pilier de la famille, étant le moyen légitime et légal de satisfaire les besoins psychologiques, sociaux et économiques. De plus, il permet de réaliser des instincts humains tels que la paternité et la maternité, tout en offrant à l’enfant un projet d’existence sociale et légale, contribuant ainsi à la préservation de l’humanité.